L'heure de la sortie se glisse doucement, comme des eaux apparemment calmes cachant des remous périlleux, dans une ambiance paranoïaque, kafkaïenne, secrétant un sentiment d'étrange familiarité tenace. Le spectateur est vite happé dans ce tourbillon mental qui sait où il nous dirige, en passant par plusieurs itinéraires qu'ils côtoient sans se démanteler.
Difficile d'imaginer dès le début ce qui adviendra. Un voisin ultra-tatoué fumeur de shit, du personnel et des collègues un peu bizarres, des élèves tout aussi déroutants: tout cela n'inquiète guère au premier abord. Mais la transformation, la mue, la métamorphose (pour reprendre le titre du récit de Kafka) va opérer: les conflits apparaîtront parmi une violence diffuse, puis des soupçons émergeront au milieu de phénomènes étranges (mais jamais « fantastiques », comme certains l'affirment) et enfin des peurs, fondamentales, de mort, d'apocalypse emporteront le tout.
Pour accompagner ce crescendo dans la peur, ce frôlement de la folie et ce flirt avec la mort, le cinéaste S. Marnier s'appuie sur le groupe éléctro zombie zombie pour créer des sons hypnotiques et effrayants en harmonie parfaite avec la tension du film, comme dans ces scènes de cauchemar très bien recréées, ou encore avec ces événements suspects qui surgissent près de chez lui, puis qui pénètrent sa conscience et sa demeure.
Jouant constamment avec les limites, avec les bords, avec les frontières, à l'image de ses personnages, Marnier entreprend un numéro d'équilibriste duquel il ressort entier après être retombé sur ses pattes. Résultat: un film captivant qui joue brillamment avec les peurs contemporaines et élabore un discours personnel et frais. Un vrai coup de cœur.