Ce que l’on ne voit pas nous rend plus agressif

Après « Les Anges de l’Enfer », James Whale passe très vite dans le côté sombre des genres horrifiques, préférant les contes gothiques et autres influences. Il débuta avec « Frankenstein » qui s’ajoute à l’Universal Monsters et poursuit sur « La Maison de la Mort » avant de poursuivre dans la lignée des monstres. Il y développe les vices d’un homme sans ombre, invisible aux yeux de tous, bien qu’il admette des faiblesses.


Le Docteur Jack Griffin a percé un secret qui le contraint à rester ainsi, afin qu’il paye pour ses ambitions démesurées. Le cas du savant fou est réutilisé à maintes reprises, mais c’est ce qui souligne ce genre de récit qui tend à se justifier scientifiquement. Claude Rains lui prête une gestuelle de qualité, en plus de dialogues pétrifiants. Sa performance est toujours aussi bluffante, sachant en plus que les effets associés ne lui rendent pas tout à fait justice. Sans visage, sans expressions, nous devinons tout de même les traits de cet homme qui convoite un pouvoir divin. La folie s’empare de lui, comme le burlesque qui l’accompagne souvent dans sa manœuvre d’effrayer la population qui l’entoure.


Le mal ou la force invisible constitue alors une véritable métaphore de ce qui ronge les sociétés à travers le temps et les époques. Attaquant sans raison, avec un mépris gratuit et parfois sans fondement, des images peuvent choquer par leur brutalité et la radicalité d’un discours qui vise le monde entier. L’intrigue se concentre ainsi sur ce qui est visible et palpable à l’écran, avant de mesurer le fantastique et l’incompris de l’histoire. La foule qui s’entasse sur l’individu est caricaturée pour la compréhension globale. La confusion est l’indice qui conduira les victimes à se révolter et à s’unir pour vaincre ce qui doit être arrêté à tout prix. Le hors champ et le jeu d’acteurs insistent sur la menace réelle d’un personnage qui repose sur la peur avant même d’évoquer la violence qui finira par traverser les villages, l’un après l’autre.


Ainsi, la mégalomanie de « L’Homme Invisible » aura raison de toutes les époques grâce à un discours universel, mêlant toutefois la petite pincée de rationalité qui conduit à la lecture de la conscience humaine à différents niveaux. Les effets visuels bluffent encore aujourd’hui, car l’atmosphère cynique règne et s’installe à chaque prise de parole de Griffin. Il semble omniscient et parvient à semer la terreur par là où il passe et par là où on ne l’attend pas. S’inscrivant dans une noble lignée de l’horreur fantastique, cette créature du mal est voilée par des ambitions humaines trop prétentieuses pour prétendre au rang divin qu’il convoite et la tragédie n’est jamais loin de son sillage.

Cinememories
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le 20 oct. 2018

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