Obsession de la mort, dépression, crise existentielle et passion du crime, le 45ème long-métrage de Woody Allen décline façon pot-pourri ses thèmes de prédilection. Malgré les efforts du duo énergique formé par Emma Stone et Joaquin Phoenix, la fable philosophique tombe à plat.
Abe Lucas est précédé de sa réputation lorsqu’il arrive sur le campus de l’université de Providence, où il prend ses nouvelles fonctions de professeur de philosophie. Son nihilisme provocateur, son regard sombre et l’aura mystérieuse qui l’entourent font rêver ses collègues féminines et affolent les étudiantes. Porté avec charisme par Joaquin Phoenix, l’homme irrationnel de Woody Allen flotte quelque part entre le philosophe maudit torturé par l’angoisse de la page blanche et le quadragénaire alcoolique, solitaire et bedonnant. Le personnage laisse en bouche le goût fade et décevant du déjà-vu.
C’est Emma Stone qui lui donne la réplique, plutôt convaincante en disciple énamourée. Elle incarne Jill Pollard, étudiante brillante en adoration devant son mentor. Mais lorsqu’elle saoule de paroles le pauvre animal de compagnie qui lui sert de petit-ami, sans cesse à lui vanter l’intelligence extraordinaire de sa nouvelle idole, la lourdeur des dialogues répétitifs achève d’assommer le spectateur. On serait presque tenté d’imiter le brave Roy et de prendre ses jambes à son cou pour fuir le babillage insupportable. Ce n’était pas rendre service à l’actrice que de lui écrire un tel personnage, si caricatural qu’il perd toute crédibilité.
Le crime était presque surfait
Le questionnement philosophique qui sous-tend l’intrigue se veut profond, il est tout juste rafraîchissant. Lorsqu’il déconstruit une à une les doctrines des grands maîtres et remet en question la « masturbation intellectuelle » dissimulée derrière leurs thèses, Abe Lucas parvient à capter l’attention de ses étudiants, et, brièvement, la nôtre. Mais la réflexion sur la morale, hélas, est tuée dans l’œuf par la pauvreté du scénario.
Le professeur de philo décide, pour redonner du sens à sa vie, d’assassiner un homme qu’il pense « mauvais ». Lorsqu’il fomente méticuleusement le crime qu’il voudrait parfait, chaque péripétie est prévisible. Tout le long du film, on a trois coups d’avance sur le scénario, jusqu’au twist final qui ne surprend personne.
Echo affaibli de Match Point, le film recycle sans éclat le thème du crime sur fond de questionnement moral. L’équation ne fonctionne plus.