Pour un premier film, adapté de Simenon Tavernier fait dans la sobriété (mais à dessein), celle de vouloir rendre hommage à sa ville, déroulant sous nos yeux une belle vitrine des différents quartiers, bâtiments, couleurs, ambiance, à travers de jolis plans encore amateurs. C'est aussi la volonté de nous raconter cette histoire malheureuse mais réaliste d'un père qui se rend compte qu'il connait peu (voire pas du tout) son fils qu'il a en partie élevé, de nous plonger dans cette époque au climat politique malsain, étouffant et défraichis, comme le pays.
Le personnage de l'horloger, campé par Noiret est un homme pétri de convictions gauchiste, engagé, jamais révolté dont les certitudes, la verve vont être mis à mal, son fils a commis un crime, il a débarassé le monde d'un sale type, mais pire encore, il ne le connait pas. Là où un vrai polar se serait intéressé aux motifs et conditions de cet acte extrême, le film de Noiret se contente de l'effleurer, à l'image du personnage de Rochefort, bien là, accomplissant son devoir, mais ne pouvant s'empêcher de vouloir sympathiser avec l'horloger, à essayer de le comprendre lui et son rapport avec son fils, l'assassin. On sent déjà la volonté de Tavernier à vouloir travailler avec cette matière brute mais subtil qu'est l'humain. Ainsi va se créer entre les deux hommes une relation ambigüe, entre respect et rejet, et qui disparaitra aussi vite qu'elle s'est formée. L'horloger traverse le film, traverse la ville, s'éteint petit à petit, lorsque son fils est traqué et, enclin au doute et au remord, il se lance alors dans une introspection, dans un passé qu'il croyait révolu, puis survint ce regain d'énergie et de vitalité, quand il revoit son fils et que le verdict tombe.
Le rythme lent du film, l'impression qu'il ne s'y passe rien n'est qu'une façade, il se passe beaucoup de choses du côté des relations humaines et de l'émotion. Preuve que Bertrand Tavernier, même novice, avait cette volonté de bouleverser les codes, de réinventer la discipline.