L'ombre du réalisateur français plane de manière évidente sur L'Iceberg, des couleurs pastel flashy aux décors intérieurs et extérieurs très art déco, du burlesque omniprésent au presque muet. Derrière cette comédie très particulière, forcément clivante, trois acteurs-réalisateurs belges aux corps parfaitement adaptés à leur propos : une femme d'apparence austère en pleine crise existentielle, un mari coincé et angoissé, un marin sourd-muet dégingandé. En l'espace de quelques scènes introductives, premiers pas dans cet univers farfelu et délirant, le cadre et le style pour le moins singuliers sont posés.


L'histoire en elle-même n'a que très peu d'importance, au final : elle ne sert que de toile de fond pour exprimer une série de gags tous plus loufoques les uns que les autres. C'est tout simplement l'histoire d'une femme enfermée par mégarde dans une chambre froide, occasionnant une sorte de traumatisme mâtiné de syndrome de Stockholm qui la poussera à quitter travail et famille pour rejoindre les glaciers arctiques comme on rejoindrait un refuge.


Si L'Iceberg semble difficilement dissociable du nom de Jacques Tati tant il semble se cacher derrière chaque situation, chaque élément de décor, chaque personnage, le trio de réalisateurs est toutefois parvenu à (un peu) dépasser le cadre de l'hommage scolaire. Comme si l'univers de Tati avait absorbé celui de Wes Anderson, le tout capturé à travers une série de tableaux burlesques immobiles, une série de plans fixes, presque silencieux, d'une froideur extrême. Le fond et la forme unis dans une étrange symphonie, pétrie d'associations contradictoires : la simplicité de l'action renvoie sans cesse au foisonnement des décors, l'excentricité des gags est intimement lié à la raideur morale (et physique) des personnages, la lenteur de leurs réactions contraste avec la soudaineté des événements, leur angoisse permanente ne se démarque jamais des aventures colorées dans lesquelles ils s'embarquent.


Il y a bien sûr des coups d'éclats par-ci par-là, avec des petits vieux qui se déplacent en banc comme des poissons ou des luttes circassiennes emprisonnées sous les draps. Mais il y a surtout de nombreuses séquences figées sur un mouvement particulier, coincées dans la répétition (composante centrale d'à peu près toutes les scènes du film), comme le père et ses deux enfants en train de tartiner du beurre, comme enfermés dans une boucle absurde au petit-déjeuner. Keaton, Anderson, et Tati réunis.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Iceberg-de-Dominique-Abel-Fiona-Gordon-et-Bruno-Romy-2005

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le 3 janv. 2018

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