Dans "L'inconnu", on retrouve toutes les obsessions qui vont mener Browning à Freaks, son chef-d’œuvre : le cirque, la difformité, la cruauté et l’amour impossible. D’une certaine manière, ce film est une ébauche, mais une ébauche très prometteuse. Il est d’ailleurs assez court, « amputé » (le sujet s’y prête !) de quelques scènes qui, semble-t-il, auraient pu ajouter plus de profondeur et de force au visionnage actuel.
Pour autant, ce n’est pas un film mou ! Loin de là ! Mais il pêche parfois par certains archaïsmes de mise en scène, comme la représentation en tableau (accentuée dans certaines scènes par l’utilisation d’un filtre qui semble simuler la trame d’une toile de peinture…) et quelques conventions lourdingues dès qu’il s’agit de représenter l’amour. Je ne parle même pas de la fin, sans doute imposée par le studio.
Évidemment, Tod Browning sait planter une histoire. On est immédiatement happé par la vitalité des personnages et par l’incroyable postulat de départ… Le film est porté par un immense Lon Chaney, fidèle à sa réputation d’acteur caméléon. Son visage, creusé par la souffrance intérieure, dégage une puissance émotionnelle rare. Il est clairement hors norme. D’une certaine manière, il est un peu l’ancêtre des acteurs à la mode Stanivlasky. Sa capacité de transformation et d’extériorisation des émotions est tout simplement hallucinante pour l’époque.
Face à lui, on découvre la jeune et magnifique Joan Crawford au tout début de son immense carrière. Elle est dans la continuité d’une Gloria Swanson, lumineuse, féline, energique. Crawford-Chaney ou l’incarnation parfaite de la belle et la bête ! Après, il faut en accepter les conventions… La romance s’inscrit dans une symbolique très manichéenne et datée qui peut ennuyer. A noter l'incroyable présence de John George qui incarne le génial « Cojo ».