Adolescent grassouillet et timide travaillant avec son père, Salvatore est réquisitionné par un membre de la mafia pour surveiller une journée durant la jeune Veronica pour des motifs qu’il ignore. Reclus dans un immense bâtiment désaffecté à la périphérie de Naples, le garçon connaisseur des mœurs animales et plus particulièrement des oiseaux et la lolita effrontée vont peu à peu s’apprivoiser, en même temps qu’ils arpentent et découvrent le lieu dans lequel ils sont contraints à demeurer. Par ses nombreuses dépendances, ses sous-sols angoissants, ses cryptes mystérieuses et surtout son parc luxuriant comme une jungle à défricher, ce lieu est davantage qu’un simple élément de décor. Il est d’abord un personnage à part entière d’un film qui tient aussi du conte et de la fable. Salvatore et Veronica, deux enfants précocement grandis et matures, sont néanmoins encore prêts à transformer leur ‘prison’ en formidable terrain de jeux : cache-cache, exploration, imitation des émissions de télé. Lorsqu’au fond des caves inondées d’égouts saumâtres, ils découvrent une barque qui pourrait les conduire vers une île imaginaire, les deux napolitains, victimes innocentes et manipulées des luttes de la Camorra, rejouent soudain la légende de Paul et Virginie. Hélas, la réalité faite de rivalités de bandes et de domination territoriale se moque bien de la légende et des émois d’adolescents isolés et protégés dans un havre de paix, dans une nature surabondante comme un doux et séduisant cocon. Au-dessus des toits, Salvatore et Veronica remodèlent avec naïveté et lucidité le monde qui les entoure et les façonne. Mais la pause ne peut durer, le boss local revient à la nuit tombée récupérer et endoctriner sa proie fragile, sans violence d’aucune sorte. Il n’est donc pas besoin d’armes, de meurtres et de sang pour montrer les ramifications d’une mafia omnipotente, n’hésitant pas à corrompre et à pervertir les plus inoffensifs et crédules.

Le documentariste Leonardo Di Costanzo transforme son décor de gravats et de pourriture en une scène magique et envoûtante d’un théâtre mortifère du sacrifice et de l’abjection. L’effroi nait ici, non de la débauche de violence, mais de la résignation douloureuse et consciente que les deux adolescents manifestent et cautionnent, attestant de l’immuabilité et de la sclérose. Le constat est noir, d’un pessimisme redoutable et ravageur. Quelque part surnage cependant l’irrépressible envie que la journée particulière et inattendue de Salvatore et de Veronica demeure à jamais leur jardin secret, celui dans lequel ils reviendront régulièrement par la pensée et la nécessité impérieuse de tenir à distance la médiocrité et la cupidité de Naples et ses mafieux.
PatrickBraganti
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le 1 mai 2013

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