La carrière de Stanley Kubrick s'accélère grâce à ce troisième film, The Killing, récit exhaustif d'un casse délivré par une narration non-linéaire. Le rapport si pénétrant de Kubrick à l'espace y est déjà, sinon l'ensemble est plus conventionnel. Kubrick se hisse au niveau des références classiques, manifestement marqué par le cinéma d'Orson Welles (La dame de Shanghai, Citizen Kane). Il est déjà l'artisan virtuose et le formaliste prodigieux qui s'épanouira dans 2001, Shining, Full Metal Jacket. Néanmoins The Killing demeure une chose dérisoire par rapport à ces 'classiques' (ou à Eyes Wide Shut) et n'a surtout pas leur profondeur ni leur ambition intellectuelle.


Kubrick monte un édifice solide où sont réunis les points de vue de tous les acteurs du casse préparé. Chacun se projette, précise ses intentions, se justifie éventuellement, médite sur les plans alternatifs ou les menaces, matérielles, légales ou humaines. C'est donc le passage en revue des points de vue pendant les deux tiers du film, de façon très légère, sans effet catalogue ; on a plutôt la sensation d'avancées conséquentes, alors que concrètement toutes ces agitations ne sont pas le cœur de l'affaire. Viendra l'heure d'appliquer le plan et le film prend alors une tournure plus trépidante : le spectateur a été mis en condition pour ressentir l'importance de l'événement, sa valeur pour chaque participant.


Il est en alerte parce qu'il sait quelles sont les menaces silencieuses. Assister à cette convergence de forces en sachant pour toutes comment elles arrivent, dans quel état d'esprit, permet de passer d'un suspense superficiel à un autre état. Le spectateur est absorbé par les conséquences de chaque action qu'il guette, plutôt que par les événements immédiats pour eux-mêmes ; ainsi L'ultime razzia transcende la banalité, bien qu'il en soit totalement otage. Le programme est en effet très ordinaire et il n'y a pas de chemins de traverse, pas d'éclairs de génie dans l'histoire en tant que telle. Tout ce manège flirte avec le vaudeville de gangsters, avec un parfum de film noir en sommeil sous le concept. Le dénouement est mesquin.


https://zogarok.wordpress.com/2021/12/07/lultime-razzia/

Créée

le 18 janv. 2015

Critique lue 642 fois

6 j'aime

Zogarok

Écrit par

Critique lue 642 fois

6

D'autres avis sur L'Ultime razzia

L'Ultime razzia
Sergent_Pepper
7

Engrenages, braquage, carnage.

Pour son troisième film, Kubrick creuse la veine du film noir. Nouvelle déclinaison sur les codes du genre, cet opus se concentre sur l’avant, le pendant et l’après braquage, orchestrant un collectif...

le 1 juil. 2014

43 j'aime

3

L'Ultime razzia
Kalian
5

Kubrick de béton

Je ne fais absolument pas partie des détracteurs officiels de Kubrick, mais je dois bien avouer être ici particulièrement sceptique. Oh bien sûr, l'œuvre a des qualités à revendre : une bien belle...

le 6 janv. 2011

27 j'aime

10

L'Ultime razzia
Docteur_Jivago
9

Le Casse du Siècle

Kubrick se lance dans le film noir. On reste autour d'un braquage, sa préparation minutieuse, la réalisation puis les effets immédiats, il reste dans un laps de temps assez court. Autour de ça, il...

le 2 sept. 2022

19 j'aime

4

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

49 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2