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Petit Mac, supplément frites et sauce tomate au basilic

Le néo polar italien par Fernando Di Léo, c’est du portrait de truand sans concession ni sérieux, où les trognes burinées se mettent généreusement sur la tronche sans se préoccuper des dommages collatéraux. La mala ordina épouse logiquement la tradition pour devenir le terrain de jeu macabre d’un groupe de mafieux aux méthodes cavalières mais musclées.

La petite subtilité vient de son pitch de départ, qui, le temps d’un briefing quasi militaire, établit une relation criminelle entre l’Italie et les Etats-Unis. Ses derniers s’étant fait entuber dans les grandes largeurs par leurs compères latins, dépêchent deux tueurs au physique imposant —heureusement qu’ils ont le physique, parce que pour jouer, ils repasseront— pour aller remettre les choses en ordre en dézinguant le bouc émissaire choisi pour l'occasion. L’ordre de mission est bien clair : frapper fort, liquider le malheureux avec fracas pour bien faire comprendre aux gentils italiens qu’on ne badine pas avec New York.

De cette mise en bouche truculente s’ensuit un film excentrique où tout est permis. Di Leo met les petits plats dans les grands et réalise une référence évidente du poliziesco à l’italienne. Aidé en cela par le fougueux Mario Adorf qui avait marqué les esprits dans l’excellent Milan Caliber 9 et de son sens de la démesure, il emballe La mala ordina sans se préoccuper une seule seconde du qu’en dira-t-on. Aucune quête de réalisme, des personnages exagérément atypiques, et une mafia désorganisée, qui se fait malmener par une tronche patibulaire échappée des planches d’un Asterix à Milan, Di Leo déconstruit totalement le mythe du mafioso italien intouchable et efficace, sans respect, mais avec une violence froide et sans concession, à l’origine de séquences qui marqueront les esprits les plus sensibles.

La plus radicale étant certainement ce massacre en camionnette qui concrétise enfin la réelle menace qui pèse sur le pauvre maquereau de seconde zone ayant déclaré la guerre au parrain local. Sa quête de survie mute alors en vengeance personnelle, l’occasion pour Di Léo de sortir le grand jeu lors d’une course poursuite effrénée qui mettra tout le monde d’accord. Qu’on trouve la Mala ordina trop exagéré, voir un brin outrancier —péter un pare brise à coup de boule, il faut oser ! — soit, mais lui ôter la puissance de sa mise en scène est inconcevable tant Di Leo y prouve tout son talent, caméra au poing.

Et comme pour enfoncer le clou de façon définitive, il se permet le luxe de conclure par une scène complètement foutraque mais terriblement marquante qui résume à elle seule tout le film : un duel sauvage à trois points de vue dans une casse déserte. Les balles sifflent et lorsqu’elles viennent à manquer, c’est à coup de carcasses métalliques ou de griffes mécaniques que l’on règle ses comptes, quitte à malmener du petit chaton tout mignon par la même occasion. Toute l’essence qui fait la pêche de la Mala ordina est résumée par cette ultime séquence, histoire de nous laisser déguster les dernières minutes avec un sourire béat sur le visage, avant de rendre les armes l’âme légère et l’envie folle de s'injecter au plus vite une nouvelle dose de bis rital qui s’assume.
oso
7

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le 31 août 2014

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oso

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