Spike Lee du temps où il arrivait encore à nous surprendre. Vingt-quatre heures. Un compte à rebours, entrecoupé de flashs, et de flash-back. Edward Norton, qui nous fait le dealer de quartier, avec la classe en plus, le dealer chic. Petit voyou, flambeur magnifique, à l’image du casting, fait de personnalités contraires et très complémentaires. Seymour Hoffman en prof coincé, est presqu’invisible, Anna Paquin en lolita allumeuse, en baskets, exubérante, Rosario Dawson en portoricaine, la petite amie, du nom de Naturelle Rivera. J’adore ce prénom. Naturelle.
C’est bien écrit. On entre sans se poser de questions, on entre dans le cercle, pour ne plus le quitter. Et la dimension dramatique est soulignée, par petites touches. Partout où il passe, Monty/ Norton rencontre toujours quelqu’un qui lui rappelle, qu’il n’a plus que quelques heures de liberté, avant d’aller se présenter à la prison pour ne plus la quitter avant un bon nombre d’années. Mais qui l’a trahi ? Sa petite amie, Naturelle, qui l’a dénoncé. Non, pas elle ! Le doute est vite levé, l’important est ailleurs.
Le doute est entretenu, sans tomber dans le polar, on a avant tout une comédie dramatique, et c’est tant mieux, Spike est à l’aise quand il nous fait visiter son NY, nous fait ses figures de style habituelles. Joutes verbales, presque du freestyle, narration très dépouillée, sans oublier d’être fun, donc montage fluide, le melting pot américain, encore une fois questionné, mais là , sans dimension politique, plus sociologique. Et puis, il y a le chien. Monty sauve la vie d’un chien bien mal en point au début du film, ce qui donne lieu à une superbe séquence d’ouverture, qui va donner le ton. Cette scène semble banale en apparence, mais le chien revient de temps en temps, comme lien entre les scènes et les personnages, et il a un charisme certain, très utile comme attrape-nana. C’est un peu Monty en somme, tel maître, tel chien.
Ce film est subtil. C’est cela qui me plaît. La banale histoire du anti-héros dans la jungl urbaine New-Yorkaise, et Spike en profite pour nous montrer, ces gens, ces petits immeubles, Ground Zéro post 11 septembre, des voyous russes « exotiques ». On ne sent un danger que lors du climax, avec une scène que certains pourront trouver logiquement insupportable, et que moi, je trouve à chaque fois choquante. Elle remue réellement en-dedans, cette scène. Comme quoi, l’amitié, peut mener loin, n’en disons pas plus. Regardez le film, et vous verrez.
On a de purs scènes de plaisir cinématographique, comme l’arrivée des policiers à l’appartement. Où celle de la soirée en boîte, dans le coin VIP. On s’y croirait. Un grand moment d’acting, avec Norton, face au miroir, qui se livre à cœur ouvert. « Fuck you, NY ! » C’est Monty qui parle, mais on sent bien Spike caché derrière. Monty règle ses comptes, avec les portoricains, les italiens, les russes, les noirs, les coréens, enfin, tout ce que NY peut compter de races, et de classes, pour finir par ce mettre dans le lot, lui aussi. « Non, fuck you Monty ! » Il sait bien qu’il doit s’en prendre qu’à lui-même. Et il ne reste plus qu'une, deux heures…De superbe punchlines, du Spike tout craché. Et on pensait qu’il en avait finit, et voilà que le final se transforme en inattendue fast-forward. Magnifique tour de force, assez difficile, et rare à l’écran. On part dans le désert, et le film prend une hauteur inattendue, toujours avec cette musique en suspension ; le reste était déjà pas mal, mais là c’est du grand Spike.