Alors que les studios Disney en sont déjà à leur quatrième film concernant le conte remanié par Madame Le Prince de Beaumont, il est bon de se rappeler l'excellent long-métrage de Jean Cocteau réalisé il y a désormais plus de soixante-dix ans.
A vrai dire si le film est une adaptation fidèle du conte originel et de quelques-une de ses variantes, le long-métrage de Cocteau n'éblouit pas pour les interprétations des acteurs ou la justesse de son écriture, de ce côté-là il est vrai que c'est assez classique. Néanmoins si le film a marqué les esprits et son temps c'est surtout pour tout cet univers visuel fantastique que le réalisateur emprunte autant à la mythologie qu'au folklore populaire. La Belle et la Bête est ici mis en scène comme un songe ténébreux et candide où la noirceur des hommes vient appuyer un peu plus la romance au-delà des apparences.
Avenant le cupide, Félicie et Adélaïde les précieuses sont prêts à tout pour obtenir gloire et richesse. Le premier en vient à oublier celle qu'il aimait, et encore était-ce bien de l'amour ou l'appât des gains d'un éventuel mariage ? Les secondes elles sont prêtes à renier père et fratrie. Les vraies bêtes sont là, tandis que Belle la douce n'aspire qu'au bonheur simple. Une rose et l'amour de son père. Quant à la Bête elle se terre dans son monde, jardin de l'impossible pour fuir les envieux.
Cocteau sait parfaitement orienter son récit c'est certain, mais ce qui frappe surtout et ce qui fait la réputation du film encore aujourd'hui c'est surtout cette réalisation si particulière entre onirisme et réalité. Mélange des genres et appel au rêve, le film sous bien des aspects oscille sans cesse entre la grâce, la mélancolie, l'érotisme et l'épouvante. C'est ce qui fait le sel d'un conte après tout non ? Du moins dans leur version d'origine pour la plupart, Cocteau s'emploie à rendre hommage à cela. A cet univers si particulier dont on récite les lignes aux enfants pour leur apprendre la vie en somme. Néanmoins si les contes s'adressent aujourd'hui aux enfants, les adultes ayant bien trop tendance à perdre leur rêverie, Cocteau sait aussi saisir ce qui rend ces histoires sombres et parfois même malsaines. Néanmoins La Belle et la Bête est à n'en pas douter le plus beau des contes.
Je me rappelle avoir eu un peur étant petit, ces bras tenant les candélabres, ses yeux incrustés dans la cheminée ou bien encore cette Bête et sa voix rauque, tout ici me mettait mal à l'aise. Redécouvrir le film m'a fait un bien fou, car il en est tout autre aujourd'hui. La Belle et la Bête de Jean Cocteau vient surtout nous rappeler que le cinéma a depuis toujours eu pour vocation entre autre de transmettre de l'émotion et de faire rêver le public. Que cela soit par les mots ou bien l'image, ici un conte se trouvant illustré par un savant homme visuel.
Un long-métrage incontournable du cinéma français et une adaptation superbe du conte, certainement d'ailleurs la plus belle avec le film d'animation des studios Disney, que je préfère malgré tout. Nostalgie oblige.