La Chair et le Sang par Sutter_Kane62

Quand on pense à la carrière de Paul Verhoeven, La Chair Et Le Sang n'est pas forcément le film qui nous vient tout de suite en tête. Pourtant en plus d'être l'un des plus grands films sur le moyen âge, il est aussi celui qui va poser les bases de l'univers de son réalisateur.

Pour son premier d'une longue série de films réalisés aux états-unis, Paul Verhoeven choisi un projet qui lui tient à coeur, celui d'une grande fresque se déroulant au moyen âge. Seulement il n'est pas un réalisateur comme les autres, l'univers de Verhoeven c'est quelque chose de dérangeant, de brutal, rempli de sexe et de violence. L'image du moyen âge qu'il va retranscrire dans La Chair Et Le Sang ce n'est pas des chevaliers qui partent en croisade, ici on est face à l'ancêtre de Game Of Thrones. Tout y est sombre, crasseux, le viol y est un plaisir comme un autre, tout le monde trahi tout le monde pour survivre. Vous êtes prévenu, il n'y a pas de héros ni de quête pour le pouvoir. Le film suit le parcours d'une bande de renégats mené par un toujours parfait Rutger Hauer, et qui tente de survivre dans une époque ravagé par la peste et la famine. Après une mission qui se termine mal, ils vont décider de mener la terreur et la violence sur leur passage. Il est amusant de trouver dans la bande les deux acteurs principaux de Blade Runner (Rutger Hauer et Brion James), qui trouvent ici un miroir de leurs rôles, puisqu'ils jouent également deux parias d'une société qui les a trahis et qui ne veut plus d'eux. Pourtant on y trouve quand même, les caractéristiques propres aux films de chevaliers, l'impressionnante séquence d'ouverte qui montre une épique bataille pour la conquête d'un château. Il y a bien un héros qui cherche à sauver sa demoiselle en détresse et un méchant qui incarne le mal absolu. Mais nous sommes dans un film de Verhoeven, et celui ci ne fait jamais rien comme les autres.

Quand un réalisateur étranger arrive aux états-unis, le plus souvent c'est pour y perdre son âme et réaliser un film de commande calibré pour être un blockbuster tout public. La filmographie de Paul Verhoeven est l'exemple même qu'il est un réalisateur qui prouve que les films peuvent être à la fois pour le grand public mais être aussi à la fois l'oeuvre d'un auteur qui souhaite soit dénoncer quelque chose, soit déranger le spectateur. La Chair et le Sang regorge de scènes dérangeantes et provocatrice qui à l'époque firent scandale. On y trouve par exemple un viol collectif, des moments de barbarie et de torture, les scènes de sexes sont sauvages, la peste nous y est montrés sans aucune pudeur. L'image du héros y est également bousculé voir détruite comme la religion chrétienne qui est elle même questionné. La réalisation de Verhoeven n'y a jamais été aussi belle, on a parfois l'impression d'assister à une peinture qui prend forme sous nos yeux mais ce qu'on y voit est sale et met mal à l'aise. Il n'y a rien de glorieux dans la représentation du moyen âge de Verhoeven, ici c'est la mort et la crasse qui nous accompagne pendant 2heures. Des hommes et des femmes qui savent que la mort les attend au bout du chemin et dont la violence représente leur seule raison de vivre. Il faut sans cesse trahir et parfois faire des choses dont la morale réprouve pour survivre dans cette société.

Malheureusement si le film est un chef d'oeuvre dans sa représentation réaliste d'une époque et une entrée fracassante dans le cinéma hollywoodien pour Verhoeven qui suivi par exemple Robobop, Total Recall ou encore Basic Instinct. Il fût aussi son Fitzcarraldo et marqua la fin de sa grande amitié avec l'acteur Rutger Hauer. En effet, après avoir eu plusieurs problèmes pour mettre en chantier se projet qui lui tenait à coeur, Verhoeven refusa tout changement dans son histoire et dans ses personnages car il voulait absolument faire un film transgressif et casser l'image d'un moyen âge iconique. Rutger Hauer dont la carrière commença seulement à décoller exigea des changements pour rendre son personnage plus attachant craignant que celui-ci n'égratigne son image, ce qui créa des tensions quotidiennes et des altercations entre lui et le réalisateur. La suite de la carrière d'Hauer lui donnera malheureusement raison, une suite de petits rôles dans des films plus ou moins bons. Malgré tout, La Chair Et Le Sang est une oeuvre nécessaire et réaliste sur une époque, une vision noir et dérangeante d'un auteur qui aujourd'hui encore n'a de cesse de nous surprendre. Une oeuvre d'art c'est quelque chose qui nous questionne, qui nous dérange et nous met mal à l'aise parfois, on se retrouve face à quelque chose de magnifique qu'on ne saurait expliqué par quelques mots. Et bien c'est ça La Chair Et Le Sang !