[SPOIL]Une histoire de surestimation.
**Critique sans Spoil dans le lien donné plus bas**
On surestime souvent le cinéma "d'Auteur", surtout s'il fait partie , même de très loin, du Dogme95. Un film tourné en 35 mm dans le business garantit quasiment des louanges aveugles.
Voilà où était ma crainte avant que le film se lance. Avec Festen comme seul échelle d'évaluation possible, j'ai surestimé les obstacles : psychologie des personnages poussée dans une intrigue finalement simplette, quelques coups de violence, longs silences. Tout ça jeté dans l'oeil du spectateur qui devra trouver la bonne référence biblique du moindre éclairage
Or, tout au long du film, ces obstacles sont devenus des outils, et ne sont finalement que des arguments providentiels pour le réac qui sommeille en chacun de nous.
Maintenant, regardez la balise de cette critique. Vous savez à quoi vous attendre.
Le film narre l'histoire de Lucas, un animateur de jardin d'enfants divorcé qui refait tranquillement sa vie. Tout pourrait se passer à merveille si Klara, une des fillettes du centre, n'invente littéralement de toutes pièces un abus sexuel. Littéralement, car le début du film semble être le puzzle que Klara décide de résoudre : un baiser, des images pornographiques, un homme : le mensonge est tout trouvé. Pourquoi ce mensonge ? On ne le saura jamais, et parfois c'est bien de ne pas tout expliquer. Désir d'attention ? Réelle haine ?
En tout cas, l'intrigue n'est pas sans rappeler l'affaire d'Outreau : la parole des enfants est on ne peut plus sacrée. Sauf que là, c'est encore plus fort : Klara semble avoir fédéré ses camarades autour d'elle, et une machine folle se lance sous nos yeux : Interprétations exagérées des parents du moindre fait, rumeurs, compassion, puis refoulement de l'étranger, qui voit ses soutiens diminuer de plus en plus. On s'y croirait, tout simplement. On se demande même si Klara n'a pas raison et qu'à la fin, ses accusations se voient vraies (ç'aurait été énorme). Du coup, on regarde les yeux de Lucas et on voit ce qui à l'air d'une réplique banale donne une clé de la narration( c'est un rien, mais compréhensible vu le début du film) La descente aux enfers de Lucas donne une solide première partie au film.
La deuxième partie du film commence selon moi quand Marcus, le fils de Lucas, vient à la rencontre d'un Lucas encore plus casanier qu'au début du film. Peu de temps après, Lucas est arrêté et on comprend bien l'ampleur des dégâts : l'ère de la violence a tout simplement commencé. Elle est morale, bien évidemment, mais aussi physique, avec quelques marrons que l'on a peur de ressentir. Et même un Lucas innocenté fait l'unanimité contre lui. J'ai tout simplement adoré la scène du supermarché, totalement imprévisible.
Et puis, Noël arrive, l'heure des pardons, dit-on. Dans un film à l'ambiance et aux mœurs internes assez catholiques, c'est dans une église qu'on nous prend définitivement aux tripes, avec tous les éléments réunis pour nous tenir en haleine. Une sorte de Mexican Standoff psychologique qui fonctionne à merveille, qui sera déterminant dans l'intrigue.
L'épilogue semble d'abord scandaleux : Tout le monde est gentil avec tout le monde, comme si rien ne s'était passé. Mais la toute fin rattrape le coup, posant beaucoup de question sur l'après-film, peut-être un peu trop.
Le jeu d'acteur est génial, la photographie et la sonographie apportent beaucoup au film. Beaucoup de moments savent nous surprendre grâce à la coopération technique.
Bref, un grand coup de cœur, tout simplement. J'aurais pas vu beaucoup de films "sérieux" dans ma vie, mais en ne les sur-estimant moins, je les trouve paradoxalement bien plus savoureux. La Chasse est un film simple, en définitive, mais qui fourmille de détails.
BONUS :
J'ai remarqué plusieurs ressemblances avec The Walking Dead, le jeu :
-Lucas = Lee. Perso principal qui n'est pas forcément bon ou mauvais. Mais en tout cas, il est controversé
-Klara = Clémentine. Une petite fille pas si innocente que ça, qui provoque directement des troubles, mais parfois sans le vouloir. Le héros y est très attaché.
-L'ami de Lucas = Kenny. Très attaché à sa famille. Il est amical, mais quand il est à bout, il se met des œillères
-La copine de Lucas = Katjaa. Elle semble amicale et solide, mais au moment où on s'y attend le moins ça dérape.
La directrice du jardin = Ben. Elle croit bien faire, mais elle le fait à l'aveugle et nous fout dans une merde noire
Le village = Les Zombies : Sans que personne ne sache vraiment comment, ils attaquent et contaminent les personnages principaux, s'affutant au fur et à mesure.