La Chasse par Le Blog Du Cinéma
Les enfants disent toujours la vérité. Quel que soit le sujet abordé le mensonge n’est jamais envisageable lorsqu’il sort de la bouche d’une jolie petite frimousse blonde. C’est le cruel constat que va faire Lucas, ancien professeur reconvertit dans le gardiennage d’enfants qui va voir sa vie basculer du jour au lendemain suite à une remarque lourde de conséquence se répandant aussi vite que la lumière dans un petit village de Danemark.
Thomas Vinterberg semble se passionner pour les drames intimistes à petite échelle. Submarino et Festen en sont les meilleurs exemples. La Chasse (Jagten) suit ses ainés au pas puisqu’il bénéficie du même traitement. Le rythme très lent ne soulevant néanmoins aucune longueur laisse la part belle au plan fixe zoomant au maximum sur les personnages. Le résultat ne se fera pas attendre et sera sans appel : La Chasse transpire d’émotion par tous ses pores, une émotion poignante, vibrante même qui ne relâchera son emprise sur le spectateur qu’à la toute dernière seconde.
C’est la force première du film, faire du spectateur un personnage à part entière. Nous ne sommes plus devant un écran de cinéma mais un habitant de ce village sans histoire. Chaque parole prononcée par Lucas (excellent Mads Mikkelsen qui nous offre l’une de ses plus belles compositions et qui prouve qu’il mérite amplement son prix d’interprétation masculine lors du dernier Festival de Cannes), chaque séquence le mettant en avant ne font que renforcer notre doute sur ses actes. A l’image de son meilleur ami (le magnétique Thomas Bo Larsen), on ne peut s’empêcher de penser à tout et son contraire sur cet homme seul et mystérieux qu’est Lucas. On sera tantôt attrister par sa condition de rebut de la société qui lui explose en plein visage du jour au lendemain, tantôt suspicieux de cet être qui ne se défend que très peu au final. Mais le peut-il vraiment ? Comment peut-on mettre fin à une telle calomnie quand c’est la parole d’un enfant, le symbole même de l’innocence et de la pureté, qu’il s’agit d’ébranler ? C’est le paradoxe que met magistralement en exergue Thomas Vinterberg avec ce film.
En découle un drame noir d’une profondeur abyssale qui ne pourra, à l’image du Présumé Coupable de Vincent Garenq, laisser personne indifférent. Si Anna Karenine nous faisait basculer dans une émotion poétique alliant la délicatesse des gestes à la ferveur des mots, La Chasse serait alors à considérer comme son exact antonyme. Tout aussi poignant, il nous renvoie à un fait sociétal beaucoup moins attendrissant, sujet qui nous prend aux tripes et qui nous fait nous interroger sur la place de l’enfant dans la société actuelle et son rapport avec le monde adulte. Avec ce nouveau film, Thomas Vinterberg continue de nous tétaniser et laisse en nous une empreinte indélébile de malaise en nous offrant sur un plateau d’argent une bombe à retardement, aussi bien dans le traitement du sujet que dans l’exercice de style proposé.
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Auteur : Wesley
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