Thomas Vinterberg est un jeune cinéaste qui s'était fait remarquer avec son film Festen, touchant déjà au sujet de la pédophilie mais au sein même d'une famille, brisant en éclat tabous, la morale bien pensante du "que va-t-on dire si cela s'apprend", etc. Si Festen n'était pas parfait, la faute peut-être au fait que Vinterberg faisait partie du Dogme à l'époque et que sa caméra était aussi tremblotante que les membres de Michael J. Fox (veuillez m'excuser pour la comparaison douteuse), force est de constater que le cinéaste a pris de la maturité sur ce point.

Bien sûr, La Chasse n'est pas non plus exempt de tout reproche. On peut évidemment regretter le début où le cinéaste nous présente une version idéale du personnage principal, des amis, une famille certes décomposée mais avec un fils aimant et surtout la possibilité de se caser avec une collègue. Un boulot pas forcément génial, mais dans lequel notre homme prend du plaisir et s'y investit. On sait qu'à un moment donné, tout cela va voler en éclat.

Vinterberg s'étant calmé au niveau de son côté orangina, on assiste donc à un film extrêmement simple, normal, naturel, sans artifices, offrant de temps à autre une photo magnifique de ces petites parties de chasse. L'oeuvre traite de ce sujet avec une simplicité, justement, diablement efficace.

Tout part d'un mensonge d'une petite fille, frustrée de voir que l'homme qu'elle idéalise refuse son cadeau et un baiser, tout à fait innocent bien sûr. S'enchaine alors la vengeance de cette fillette, remettant dès lors en cause notre société qui croit toujours la sainte parole de l'enfant.

C'est une longue descente en enfer pour notre héros. Mais pas d'artifices, pas de coups d'éclats vraiment. Un héros qui accepte cette situation, qui ne fait pas de vagues et qui attend que tout se tasse. Il se sait innocent et le spectateur aussi.

Vinterberg nous propose de devenir spectateur de la dégradation des relations de notre homme. Il devient le pestiféré du village et pourtant il encaisse tout sans broncher. Hormis ce coup de boule à un ami, le héros a presque une dimension christique, prêt à tout accepter sans chercher à se venger. D'ailleurs, sur le fond, il ne se vengera pas. Après coup, on constatera que l'hypocrisie humaine a de beaux jours devant elle.

Mais face à ce genre de calomnies et en dépit du fait qu'il est clairement innocenté, Marcus reste suspect aux yeux de certains, comme en témoigne le coup de fusil final, cherchant soit à lui faire peur, soit à le tuer réellement.

Mads Mikkelsen est tout simplement parfait dans son rôle.

Et Vinterberg de réussir très bien son film car il ne cherche justement pas l'artifice, l'élément voyeuriste, ce truc qui rendrait le film choc. Au contraire, il filme le déclin de manière ordinaire d'un homme comme un autre. Un film profondément humain finalement, même s'il ne montre pas ce qu'il y a de plus beau chez certains, il montre aussi qu'on peut faire face à la tempête avec dignité et honneur et se montrer par après, un gentleman de haut vol quand il retourne prêt de la fillette qui l'a accusé.
batman1985
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le 1 sept. 2014

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