Près de six mois après m'être plongé - avec un regard mûr de cinéphile - dans le cinéma muet avec "L'étudiant de Prague" (P. Wegener, 1913), j'ai tenté une autre plongée en avançant de quinze ans, au hasard avec donc "La chute de la maison Usher" sur lequel j'avais lu beaucoup de bien de la part de mon ami spécialiste de cette période du cinéma. Je connaissais simplement de nom, l'auteur de ce film.
Seulement 65 minutes que j'ai trouvé assez lentes mais absolument fascinantes : pour les éléments fantastiques (étant donné que c'est un conte), pour le jeu d'acteur : Jean Debucourt dont les multiples gros plans sur son visage hyper-expressif souvent mélancolique, disent toute la folie de son personnage. Il s’exprime aussi physiquement bien sur. Marguerite Dance, qui joue sa femme, est très belle, elle ne joue pas un double rôle très consistant, mais elle s’en sort. Quand à Charles Lamy, qui joue l’ami d’Usher, il agit comme le spectateur de la folie d’Usher. Nous voyons l’histoire de son point de vue.
Côté mise en scène, Epstein s'est déchaîné : en 1928, ils n’avaient pas toute la technologie que l’on a aujourd’hui : les ordinateurs, les effets spéciaux qu’on fait informatiquement, etc. Et c’était filmé pas numériquement (puisque ça n’existait pas) mais sur pellicule et pour faire des montages de plein de plans, il fallait avoir le moral. Et bien Epstein avait le moral : son montage absolument hallucinant et métaphorique, alternant très vite des plans sur le visage d’Usher avec des plans de paysages – que l’on retrouve plus tard – qui n’ont visiblement rien à voir. Quand aux montages "cuts" (que l'on retrouve aujourd'hui, par exemple, chez Greengrass), Epstein le faisait déjà. Sa réalisation avec ses travellings très proches du sol et sa caméra qui bouge sont impressionnants et très modernes pour l'époque.
Pour finir, il y a beaucoup de vent dans l'histoire, Epstein sans son, avec sa mise en scène suggestive, arrive à nous le faire ressentir : c'est vraiment très fort.
Je trouve que "La chute de la maison Usher", qui a près d'un siècle est un film qui a vraiment peu vieillit.