La Conquête fait pschitt. On nous le vendait comme un film-événement, on se retrouve face à un docu-réalité de luxe (Denis Podalydès, de la Comédie-Française, oblige). Et encore, qu'apprend-on là-dedans que l'on ne sache déjà ? Rien. Aucune révélation sulfureuse, le scénario de Patrick Rotman est avant tout un condensé de saillies assassines. Les piques sardoniques sont souvent délectables, mais ce programme est un peu court. Le film se cantonne aux ors de la République, QG de campagne et logements de fonction. Il ne s'aventure dans la France « d'en bas » qu'à l'occasion d'une rapide visite du candidat Sarkozy à des ouvriers.

Le pilote-automatique a été enclenché pour une balade dans une sorte de mémoire collective immédiate. Nicolas qui fait le beau à vélo, Nicolas qui demande des résultats, des résultats et des résultats aux policiers, Nicolas en tête-à-tête avec Villepin à La Baule. Tout au long du parcours résonnent les petites phrases assassines qui ont alimenté les gazettes. Coups bas, rancœurs et doubles discours hypocrites tricotent donc la trame de cette molle satire. Pendant que, dans le même temps, les liens du couple Nicolas/Cécilia s'effilochent. Car La Conquête est aussi le récit d'une défaite amoureuse. Quand Durringer nous sert son Sarkozy de fiction sacrifiant sa vie privée pour accomplir la destinée présidentielle dont il est convaincu, on est en plein psychodrame. La scène de la dispute conjugale noyée sous un flot de musique est assez embarrassante. En dehors des addicts aux Feux de l'amour qui devraient trouver ce spectacle éprouvant, on conviendra que c'est juste l'histoire d'un mec qui se fait plaquer.

Voir La conquête, c'est aussi devenir membre d'un jury de concours de sosie. Certains trouveront ça ludique. Or, c'est l'une des faiblesses majeures du film. A chaque apparition d'une figure connue se pose la question de l'incarnation crédible ou non. Bernard Le Coq semble parfaitement à l'aise dans le costume de Chirac. Tout comme Hippolyte Girardot, plutôt ressemblant en Claude Géant. On ne peut pas en dire autant de Michèle Moretti, crédible en Bernadette jusqu'à ce qu'elle ouvre la bouche ou de Saïda Jawad, sous-exploitée en Rachida Dati. Même constat pour Florence Pernel et sa Cécilia de soap-opéra. Ne loupez pas sa moue gênée (irritée ? difficile de savoir avec un jeu aussi nuancé) quand, occupée à envoyer un SMS à son amant, son ministre de mari vient la déranger.

Quant à Denis Podalydès, il fait ce qu'il peut entre mimétisme –parvenant par endroits à capter quasi-parfaitement les intonations de son modèle- et interprétation libre. Le challenge était délicat, la mission n'est qu'à demi-réussie. En revanche, il excelle à rendre Nicolas Sarkozy sympathique. « C'est tout bénef pour nous », se réjouissait récemment un membre de l'entourage présidentiel dans Le Parisien/Aujourd'hui en France. Après le label des spectateurs UGC, le label des spectateurs UMP ? Dominique de Villepin, lui, écope du mauvais rôle. C'est lui qui passe pour un arriviste frustré, faux-cul et manipulateur prêt à tout pour avoir la tête de son rival politique. De la gauche, il n'est quasiment pas question. Hormis deux allusions à Ségolène Royal. D'ailleurs, dans la catégorie faux-jeton revanchard, on délivrera une mention spéciale à Dominique Besnehard. Dans le rôle de Pierre Charron, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, il a trouvé sa catharsis. S'ils étaient déjà brouillés depuis plusieurs années, lui et la candidate socialiste de 2007 ne se réconcilieront pas de sitôt.

Comme il est beaucoup question dans ce film de couilles et de débauche de vulgarités qui font bien viril, il aurait été appréciable que cette farce en ait beaucoup plus dans le falzar. Car au-delà des considérations anecdotiques (les petites phrases), l'ensemble tourne rapidement à vide. Et comme dirait l'autre, cela à de quoi « en touche[r] une sans faire bouger l'autre ».
Giallover
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le 30 juin 2011

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