Attention messieurs, la fille à la valise pourrait bien vous faire tourner la tête, et pour plus d'une (bonne) raison. Sous ses airs légers, il parvient, en fin de parcours, à se frayer un chemin vers ce petit coeur essoufflé qu’est le notre, pour lui faire avaler une belle dose d’émotion.

Claudia Cardinale, d'abord, ensorcellerait le plus bourru de vos amis, son charme ravageur étant exploité jusqu'à épuisement par un Valerio Zurlini malin. Dès le début du film, il fait de sa muse, non pas une fille fragile, mais une jeune femme consciente de son potentiel, qui sait envoûter les bonnes âmes qui peuvent lui porter assistance, et nous avec. Parce qu'en plus de hanter progressivement les pensées du jeune Lorenzo, elle ne manque pas de gagner à sa cause chaque paire d'yeux la scrutant amoureusement depuis le canapé.

Et comme Valerio Zurlini connait son affaire, il focalise l'essentiel de sa mise en scène sur la jolie Claudia et sur ce jeune éphèbe au coeur tendre qui va, timidement dans un premier temps, puis avec un peu plus d'assurance par la suite, lui venir en aide et tenter de la conquérir. La prouesse du cinéaste est de muter progressivement la relation qui s'installe entre les deux âmes. S'il est évident qu'au départ, il y a quête d’intérêt de la part de la jolie Aida, cette dernière usant de son potentiel de séduction pour s'offrir les faveurs du jeune homme, au bout du voyage, les sentiments s'équilibrent. Naît alors une véritable histoire d'amour, belle et touchante, parce qu'elle semble impossible du fait de leur appartenance à des classes sociales trop éloignées ainsi que leur différence d'âge, mais envisageable car sincère dans le même temps. Claudia Cardinale et Jacques Perrin, d'un naturel saisissant, trouvent la justesse suffisante pour rendre leur improbable relation, authentique et touchante.

A cette histoire d'amour réussie, il faut ajouter que La fille à la valise est un réel tour de force en ce qui concerne sa mise en scène. Zurlini traite son sujet de façon assez statique, en misant sur ses dialogues et les attitudes de ses comédiens, mais il parvient à leur associer une photographie somptueuse ainsi que des mouvements de caméra que l'on n'attend pas forcément dans ce genre de bobine. La découverte de la demeure du jeune Lorenzo par Claudia Cardinale est somptueuse dans sa maîtrise formelle. Tout le film d'ailleurs, jouit d'une photographie à tomber, des noirs et blancs très soignés portés par des compositions de plans très précises. Quasiment chaque séquence est un exemple frappant de ce coup d'oeil particulier que possède le cinéaste : toute la fin en bord de mer est animée par des points de vue réussis, mais on pourrait également citer cette séquence poignante où Cardinale retrouve son ancien compagnon à la gare et que Lorenzo les suit, caché comme il peut derrière une vitre fumée. La caméra du cinéaste y est d’une mobilité insolente, toujours à la bonne place pour donner de la force aux lignes qui font ses images.

D'une précision redoutable, que ce soit dans sa mise en oeuvre formelle, sa narration ou sa direction d'acteur, La fille à la valise véhicule un message particulier qui prend les traits d'une histoire d'amour atypique. Son ultime séquence, emplie d'une nostalgie triste, nous laisse déguster le générique avec la gorge serrée mais les yeux pétillants d'admiration, pour la jolie Cardinale d'une part, pour le talent du jeune Jacques Perrin ensuite, et pour le formidable boulot de Zurlini enfin.

Un film que j'ai lancé en le prenant un peu à la légère et qui m'a mis une jolie taloche. Je recommande !
oso
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le 3 août 2014

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oso

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