Avant que le confinement n'entrave sa carrière en salles, ce film a su faire parler de lui. Premier long-métrage de Stéphane Demoustier, frère de l'actrice adorable Anaïs, il y a sujet plus facile à aborder qu'un procès pour meurtre sur une mineure. Car oui, le titre aurait pu être un poème à la Gainsbourg, mais ce bracelet est en vérité électrique, et je trouve que c'est une idée superbe : tromper un public avec un titre, c'est lui promettre un jeu de pistes, le fait qu'il le laissera pousser ses réflexions seuls. C'est la plus grande qualité de "La fille au bracelet": sa cohérence avec son propos. Celui-ci qui est illustré avec classe et simplicité : on juge davantage l'accusé que l'affaire, ses actes à côté de l'accusation plutôt que les véritables motivations vers celui-ci. C'est une grande qualité en commun avec les deux mastodontes du genre Film Juridique, à savoir "12 hommes en colère" et "Philadelphia". Le réalisateur applique cette qualité via ces longues séquences de procès, magnifiquement crédibles, aux tirades pouvant être captivantes et promptes à des petites performances d'acteurs. Notamment Anais Demoustier en avocate générale, je suis difficilement objectif mais ici, faut avouer que sa fourberie est particulièrement terrible parce qu'elle entre dans un cadre tout-à-fait légal, et donc renforce sa dangerosité. La rivale et avocate de la victime, Annie Mercier, sait se montrer convaincante comme si nous étions parmi les juristes, son monologue final étant particulièrement juste. Quand à Roschdy Zem, en père voulant tout contrôler puis comprenant progressivement que l'adolescence ne se contrôle pas, il crève l'écran.
De ce point de vue-là, j'ai été conquis. Malheureusement, il y a les autres séquences, entre ces scènes, qui m'ont parues hyper maladroites et ont fait du mal à l'autre sujet majeur du film, à savoir les émois adolescents. Je pense que cet avis est purement subjectif, dû au profond malaise que je ressens envers ma propre génération pour plusieurs raisons, mais la protagoniste (Melissa Guers donc) m'a paru à la fois trop fade et trop méprisante par moments. Lorsque son père l’interroge sur le couteau, pourquoi son regard n'évolue pas quand elle comprend qu'il s'est laissé aller à la soupçonner ? De manière générale, j'ai eu du mal à m'attacher à elle. Je l'ai pris comme un parti-pris, parce qu'elle cherche avant-tout à se protéger contre ces adultes qui s'induisent de plus en plus dans sa vie privée, lui retirant alors son droit aux découvertes adolescentes, et c'est donc normal que le public puisse se sentir distancé d'elle puisque c'est sa propre volonté. Ce qui est dommage, c'est que le personnage n'évolue pas, ou en tout cas endosse une personnalité telle qu'elle en ressort bouleversée : on la quitte comme on l'a rencontré. Alors, forcément, l'écriture de ces séquences m'ont parues à son image, puisqu'elle porte tout. De manière générale, la mise en scène est très classique, et si durant les scènes de jurisprudence cela peut marcher, autant sur ces séquences il aurait fallu plus de panache ; j'ai eu parfois l'impression d'assister à une fiction démonstrative, pouvant être diffusé à des étudiants comme exemple fictif. Pour comparer, "La dernière leçon" de Pascale Pouzadoux est régulièrement montré à des étudiants en aide à la personne, pour l'accompagnement des personnes âgées, je le sais parce que ça a été ma formation. Leur caractère démonstratif est immédiatement reconnaissable, justement, parce que tout est appuyé sur le personnage central, les exercices de style sont réduits au maximum, le propos est surligné, la musique très peu présente. Mais dans "La dernière leçon", les séquences se déroulant entre les scènes hospitalières étaient pleines de vie pour compenser, et si "La fille au bracelet" ne permet pas cela avec son sujet, je pense toutefois qu'ils auraient pu davantage illustrer le sentiment banni de la demoiselle, rien que pour que l'on se sente vraiment du côté de l’héroïne et être un peu proche d'elle quand même.
En somme, c'est un film blindé d'intentions louables, certaines sont réussies et de manière brillante, mais définitivement : la personnalité est importante pour que le film communique vraiment avec son public sur ses propres convictions, ce qui est primordial dans le genre du Film Juridique.