On aura du mal à qualifier à les OVNI au cinéma. Tant par la méthode de réalisation, l’esthétique ou le fond du récit. Un thriller fantastico-philosophique peut être un OVNI. Et le film de JC Brisseau mélange le thriller (suspense, jeu avec le vrai et le faux : tous deux jusqu’au bout), le fantastique (réincarnation, apparitions mystérieuses) et la philosophie (questionnements sur la vie, la religion, la science, etc). De là on se demande comment réussir à trouver un fil conducteur mais surtout une trame narrative avec ce genre de film.

Il faut peut-être de la simplicité. Une simplicité qui se remarque à chaque plan dans un OVNI. Déjà dans l’attitude des corps des acteurs. Par exemple, ce film de Jean-Claude Brisseau ne joue jamais sur la gestuelle. Le réalisateur et son assistante à la réalisation (tous deux les acteurs du film) se renvoient la balle avec des répliques où ils restent pratiquement statique. Chaque grand mouvement d’un bout à l’autre d’une pièce ne se fait jamais pendant une réplique. Cela aide surtout à garder une concentration sur la personne qui parle, avec cette magnifique méthode du champ / contre-champ.

Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de direction physique sur les acteurs que le rapport entre les corps est absent. Un thriller est fait pour percer une énigme et effacer petit à petit un suspense. Le film de JC Brisseau est un dénuement constant entre l’un et l’autre. On veut lever les masques et ainsi percer les doutes que l’on a sur l’autre. Ceci passera par un rapport aux corps inévitable et toujours très beau dans la question du dénuement. JC Brisseau a bien compris queles vêtements font tout et qu’il n’y a rien de plus beau que le corps d’une femme.

Il faut également savoir une chose avec ces films OVNI. Certains d’entre eux sont des films do-it-yourself (fait maison). C’est le cas avec ce film : JC Brisseau filme dans son propre appartement, avec ses propres affaires et ses propres meubles. Mais cela n’a pas empêché les faux raccords ou qu’il s’y dégage un certain charme de l’intime. On observe avec plaisir les aventures du quotidien de Michel et Dora dans cet appartement. Et pas besoin de préciser qu’entre le réalisateur et son assistante à la réalisation, une complicité saute aux yeux quand il s’agit pour eux d’être devant la caméra.

Et même avec des sons et des effets spéciaux artisanaux faits par JC Brisseau (grand bravo ici, effets bluffants), il est difficile de ne pas voir le réalisme du côté fantastique. Ce qui fait de ce film encore plus un OVNI, c’est la manière d’avoir traité ces effets fantastiques. Toute apparition est pleine de grâce (fascinant pour un film do-it-yourself) de façon que ces apparitions sont dignes des plus belles chorégraphies. Le lieu de l’action (ici l’appartement) serait la scène et le côté fantastique (ici les appritions) serait la danse qui s’ajoute à la dramaturgie du spectacle.

Mais, généralement, un OVNI est loin d’être un spectacle. Tout comme le film de JC Brisseau (où lui et Virginie Leageay signent des performances incroyables), il y a un moment où il faut réfléchir. Ce n’est pas pour rien qu’on appelle cela un film d’auteur. Loin d’être une oeuvre dans le thriller fantastique, ce film est l’oeuvre de l’auteur Jean-Claude Brisseau. Malgré un fil conducteur qui manque de s’écrouler à quelques reprises (la scène du guéridon qui écrit et vole), le film fait preuve d’un dimension philosophique hors-pair. Avant d’être un thriller et avant d’être du fantastique, nous avons un film, et son auteur, qui s’interrogent sur les relations entre générations, le social (adoption, passation, etc), la religion, la science, l’inconnu, … Ainsi, JC Brisseau nous livre un film métaphysique où les grands discours philosophiques sont zappés (mais pas le ton, et heureusement) au profit d’un language universel.

Ce genre de film sur la métaphysique s’apparente d’abord comme une course intérieure. Une exploration des chemins intérieurs où résident l’amour, l’amitié et la famille. Une géométrie sidérante à tel point que, quand on regarde bien la structure des déplacements dans le film, on a le droit à un appartement qui devient très vite un labyrinthe. Le labyrinthe de l’auto-psychanalyse.

Finalement, La fille de nulle part est un film OVNI à la sauce do-it-yourself. Ne pas y voir de péjoratif là-dedans, bien au contraire. Avec des interprètes en forme, nous avons un film qui se transforme en thriller fantastico-philosophique. Quand JC Brisseau joue avec les mystères et les effets visuels à la Méliès pour s’interroger sur la métaphysique. Avec ceci, une belle histoire d’amitié et d’amour qui en touchera plus d’un(e). Comme quoi, pas besoin d’être beaucoup et ne de pas avoir un gros budget pour réussir à réinventer le monde.

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Auteur : Teddy
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le 13 mars 2013

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