Plus belle la vie épisode 15500

Je commence toujours mes critiques par un résumé plus ou moins long du film. En l’occurrence je serais même incapable d'en faire un petit tant le scénario l'est déjà trop. Ce qu'on pourrait en dire c'est qu'il traite de la lutte de la justice, et en particulier du juge Pierre Michel, contre la French Connection et son emprise sur le trafic mondial d'héroïne dont la plaque tournante est par Marseille. Les principaux rôles sont tenus par Jean Dujardin dans le costume du juge incorruptible, Gilles Lellouche dans la peau du parrain Zampa et Céline Sallette et Mélanie Doutey dans les rôles de leur femme respective. Le très mauvais Benoît Magimel est également de la partie.

L'immense problème du film est son indécision quant à ce qu'il veut être : un film dossier révélant les dessous du trafic d’héroïne et de la traque de l'organisation mafieuse, un drame familial avec la difficulté à concilier travail (légal pour l'un et illégal pour l'autre) et vie de couple et de parents, une bio/hagiographie du juge Michel, un étude de caractère comparative entre les deux personnages principaux voire même le portrait d'un homme torturé par une addiction maladive au jeu qu'il refoule puis évacue dans son travail et notamment la traque du caïd de la French... Mais en voulant être tout ça à la fois, le film n'est finalement rien qu'un énorme pot-pourri malheureusement sans saveur.

La bande d'annonce faisait pourtant saliver. L'ambiance fin des sixties et début des seventies, le look authentique des mecs et des nanas, les voitures d'origine... bref la reconstitution paraissait parfaite et laissait espérer le meilleur avec une enquête qui semblait complexe, tentaculaire et parsemée de coups de théâtre, de trahisons et de meurtres... Malheureusement de bien, il n'y aura que la reconstitution. La ville de Marseille est incroyablement cinégénique. En revanche les intrigues, quelles soient policières ou personnelles sont catastrophiques quoi. On a ainsi droit à un embryon d'investigation au début du film avec des images d'archive et des voix offs explicatives, puis à un portrait d'homme de loi déterminé et à celui de mafieux monolithique, silencieux et roulant des mécaniques, puis à une chronique familiale (Dujardin qui fait réciter son poème à sa fille et Lellouch lire un BD à la sienne hein, rien de plus, faut pas déconner sérieux), puis retour à l'enquête (simplifiée à l'extrême pour ne pas perdre les demeurés que nous sommes), puis à la famille, puis règlements de compte inutile entre mafieux histoire de meubler un peu le film (un film de plus de deux heures ça claque forcément) et donner aux spectateurs ses uniques scènes d'action, puis retour à la famille...

Le film est trop riche et trop vide à la fois. En essayant de traiter de plusieurs sujets, Jimenez se vautre dans les grandes largeurs à chacune de ses tentatives. On pourrait même déceler de l'ambition dans la mise en scène du jeune cinéaste. Et quand on en a pas les moyens, ça s'apparente à de la prétention. Encore un qui a pris au pied de la lettre les compliments de sa grand-mère... Ce qui est sûr c'est qu'il fait du zèle : son amour pour sa ville natale (il est marseillais) est tel qu'il essaie systématiquement de nous convaincre de sa puissance historique. Le Marseille du film c'est un mix entre Bagdad, New-York et Tanger... C'était peut-être le cas, je ne sais pas, je n'étais pas né. Mais ça fait quand même carte postale quoi... Un des points les plus honteux du film est sans aucun doute l'utilisation maladroite et abusive de la musique. Elle est présente quasi-systématiquement. C'est très symptomatique de notre époque. C'est également un aveux d'impuissance du réal. Sa mise en scène ne se suffisant pas elle même, il est obligé de nous inondé les tympans de musique d'ambiance pour nous créer un embryon de suspens et de tension dramatique. Arggg, qu'est ce que je hais ça! Le choix des musiques n'est pas non plus des plus judicieux : rétro un coup histoire de situer l'action dans le temps, et ultra-contemporaine l'autre fois histoire d'instiller un peu de modernité et de fraicheur à la mise en scène... Qu'est ce que fou le DJ? Le plus drôle est sans doute la musique country utilisée lorsque l'action se déroule devinez où... Aux Etats-Unis (au cas où vous seriez aveugle, ce qui peut-être gênant au cinéma).

La mise en scène, j'en ai déjà un peu parlé, est très prétentieuse. Je m'excuse auprès des personnes que le terme irrite (je fais partie de ceux-là), mais c'est malheureusement le cas ici. Ça lorgne sur Friedkin, Mann, Gray, Scorsese et Refn, que des cadors quoi, mais ça n'atteint jamais ses objectifs. Et comme c'est ultra-référencé beh forcément ça manque de personnalité et donc on a l'impression de voir pour la énième fois le même film. De plus comment peut-on continuer, en 2014, à filmer des gangsters dans les boîtes de nuit? Stop. Faut pas faire ça. Trois fois encore moins. La seule idée intéressante du film, à savoir la déformation d'une ancienne addiction au jeu en zèle professionnel, est malheureusement traité au bazooka et, malgré la violence de l'arme, n'est pas suffisamment approfondie. C'est vraiment dommage car il y avait quelque chose de bien à faire. Avec plus de finesse évidemment, car si le parallèle de la dépendance avait échappé aux spectateurs, Céline Sallette se chargeait de le lui rappeler en l'énonçant haut et fort. Autre symptôme de notre époque.

Un petit mot également sur les personnages. En tournée promotionnelle Cédric Jimenez se plait à dire qu'outre une remarquable enquête policière au cœur des méandres de la "French" (ben voyons), son film est le portrait sans concession de deux hommes et deux femmes dans l'adversité, ce que ne manque pas de confirmer Céline Sallette qui va même plus loin en rajoutant que son personnage de femme de juge est remarquablement bien écrit. On rit aux éclats devant résultat. Soit la bougresse n'a pas lu le script, soit elle n'en a jamais lu de bon pour pouvoir comparer : son unique rôle dans le film consiste à se plaindre de l'absence de son mari ("ça fait trois semaines qu'on a plus baisé"). Je ne parlerai même pas de celui de Doutey qui trouve enfin dans cette femme de gangster bimbo et décérébrée un rôle à la mesure de son talent (inexistant). Le cas Gilles Lellouche n'est pas en reste. Il est peut-être le plus catastrophique du film : jouer plus faux le plus éculé des stéréotypes du parrain mafieux relève d'une certaine forme de génie. Ah non il y a pire. C'est Benoît Magimel. La simple évocation de son nom me fait frissonner. Je passe sur tous les seconds rôles, intégralement interprétés par les pires cabotins que compte le cinéma français. En fait, de ce gloubi-boulga de cabotinage, émerge un acteur, Jean Dujardin, dont le seul charisme suffit à intéresser le spectateur à son sort. Tout ce que le film a de bon, il le doit à son acteur principal.
blig
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le 11 nov. 2014

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blig

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