« L’honnêteté paie toujours », dit-on. Et pourtant, on a parfois envie de croire le contraire. Ne pas hésiter à bafouer la vérité pour tirer profit des situations est presque un art, et ce n’est pas Billy Wilder qui nous dira le contraire dans La Grande Combine.


Voir, dans la filmographie de Wilder, un film nommé « La Grande Combine » ne devrait pas être surprenant, tant ce titre est représentatif de la plupart de ses films. Car le cinéaste américain aimait mettre des combines en place, mettre ses personnages dans une situation impossible censée les mener vers la réussite. Une jeune femme se fait passer pour une petite fille pour obtenir un billet de train à prix réduit dans Uniformes et jupons courts, un assureur pactise avec une femme machiavélique dans Assurance sur la mort, un scénariste sans le sou se retrouve aux prises d’une ancienne star de cinéma dans Boulevard du crépuscule, un journaliste met un homme en danger dans Le Gouffre aux Chimères pour obtenir un scoop, un mac se dédouble pour protéger sa petite amie dans Irma la douce, un musicien et un pompiste mettent sur pied un plan invraisemblable pour devenir riches et célèbres dans Embrasse-moi, idiot, et la liste pourrait se poursuivre encore longtemps.


Les plans fous et, surtout, voués à l’échec, sont récurrents chez Wilder, et il est probable qu’il propose, avec La Grande Combine, l’un des plus réussis. Le procédé est pourtant simple, en utilisant deux personnages opposés, avec Harry, l’honnête, d’un côté, et Willie, le malin, de l’autre. Mais jusqu’où l’honnêteté peut-elle tenir ? La tentation n’est-elle pas plus forte ? Pourquoi ne pas se laisser un peu aller et écouter le petit démon à notre épaule ? Et pour se pencher sur ces questions, Wilder utilise ses principaux atouts : une écriture fine et des acteurs spontanés. Il faut que le spectateur cerne les arguments des différents partis, tout en saisissant les éléments de nuance intégrés et à apporter dans notre jugement.


Avec de longues scènes, Wilder donne naissance à un film qui se base sur des situations, aux mécaniques très théâtrales, afin d’en tirer profit au maximum. Une nouvelle fois, Wilder se moque, il tourne en dérision, il dénonce. Il l’a fait par le rire, mais il l’a fait aussi dans des drames noirs et pessimistes. Il y a toujours eu, quelque part, un choix, en amont, dans le ton à prendre, entre la comédie et le drame, ce qui n’empêchait pas quelques nuances, bien entendu. Mais La Grande Combine a pour principal intérêt d’être l’un de ses films les plus hybrides, se présentant surtout comme une comédie, en parvenant cependant à intégrer des éléments dramatiques importants, comme le personnage de « Boom Boom » Jackson, principal témoin et victime d’un plan qui s’effondre peu à peu.


Le rire demeure de mise devant La Grande Combine mais, pourtant, Wilder ne manque pas de nous faire grincer des dents, et à ne pas simplement faire de ce film une comédie légère et maline, même si l’on sait que le cinéaste excelle également dans ce type d’exercice. C’est, probablement, l’un des films associant le mieux ressorts comiques et dramatiques pour, une nouvelle fois, égratigner la société et les mœurs. Bassesses, paranoïa, cupidité, racisme, le ton peut souvent être léger, mais le bilan est lourd pour la société américaine qui en prend ici pour son grade. Peut-être que la période la plus faste de Billy Wilder est déjà passée, mais La Grande Combine montre, encore une fois, que le cinéaste a plus d’un tour dans son sac.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 9 août 2019

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