«L’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage.»

Il y a vingt ans de cela, un film embrasait la croisette, La Haine. Un titre concis définissant à merveille l’état d’esprit du film et de son jeune réalisateur de 28 ans, Mathieu Kassovitz. La haine, c’est le sentiment qui ronge de l’intérieur Vinz, jeune banlieusard de la cité des Muguets dans les Yvelines suite à une bavure d’un policier blessant gravement un adolescent du quartier. La plus grande partie du film se déroule sur une journée au lendemain de la nuit d’émeute.


Le personnage de Vinz est magistralement interprété par Vincent Cassel. Protagoniste le plus violent du film, animé par un désir aveugle de vengeance, Vinz a la haine. L’acteur fait figure de leader par son charisme et sa prestance. Les deux autres membres du trio, Saïd et Hubert, sont respectivement incarnés par Saïd Taghmaoui et Hubert Koundé. Hubert est légèrement détaché du tandem Saïd/Vinz et tente durant tout le film de tempérer la colère de Vinz. Celui-ci cherche à convaincre ses amis du bien-fondé de ses sentiments amers.


Kassovitz est certainement la plus grande tête brulée du paysage cinématographique français. Adepte des coups tordus et des déclarations chocs, le réalisateur a toujours été animé par un désir de liberté totale. Preuve en est avec La Haine qu’il devait tourner en couleur selon la volonté du producteur, chose qu’il fit. Cependant il tira les copies du film en noir et blanc et devant le succès des premières projections, le film fût diffusé dans ce format.


Le formidable jeu d’acteur du trio d’amis et la mise en scène maîtrisée font de ce film un classique du cinéma. On peut néanmoins se poser des questions sur les motivations de Kassovitz de ne montrer que la face violente des habitants de cité. On remarque qu’il n’y a, dans le paysage du film, personne réussissant à s’en sortir par les études ou un travail honnête. Les jeunes sont caractérisés par les stéréotypes habituels, à savoir, violent, vendeur de drogue ou sportif. Bien que Kassovitz se présente comme un rebelle et un pourfendeur du politiquement correct, le film véhicule la plupart des clichés sur les jeunes de cité sans ambigüité. Les propos du réalisateur lors d’une interview sur le film renforcent cette impression qui me laisse perplexe.



Où avez-vous tourné ?
A 30 kilomètres de Paris, dans une cité pas spécialement désagréable : il y a des espaces verts, des terrains de foot... Ce n'est pas désagréable mais c'est une cité : c'est-à-dire que 80 % de la population et 100 % des jeunes n'ont rien à faire. Ils ne vont plus à l'école, ils n'ont rien, ils se font chier. C'est «le syndrome du porche». Ils sont du matin au soir sous un porche d'immeuble et ils attendent, ils fument des joints... Ils n'ont rien. Pas de boulot, rien. A part des petits business... Il n'y avait pas de drogue là où nous avons tourné. Heureusement car dès qu'il y a des vrais dealers, ça se passe à coups de feu !


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le 8 mai 2015

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Vincent Ruozzi

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