En résumé, si j’ai bien compris, les spectateurs qui ont vu Scarface comme le récit d’une vie réussie, ceux qui trouvent vulgaire la violence au cinéma, ceux qui apprécient Vincent Cassel pour son jeu d’acteur, ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans une cité mais ont un excellent camarade de fac qui y a grandi, ceux qui ont grandi dans une cité et y mourront, ceux qui voudraient brûler les brûleurs de bagnoles, ceux qui n’ont jamais vu d’autre film en noir et blanc et ceux qui trouvent ça trop classe, tous ceux-là ont du mal à se mettre d’accord sur la Haine. On a connu des film-engagé-sur-la-jeunesse-et-la-banlieues cousus d’un fil plus blanc que celui-ci — ils sont aussi moins bons. Là, on se dit que pour être vu selon les cas comme une apologie de la couille violente, un éloge de la tolérance, un portrait à charge de la police, un réquisitoire anti-cité ou juste un film *trop kiffan*t, "la Haine" montre un minimum de richesse.
Et pour le coup, la richesse du propos m’a paru bien moindre que celle des interprétations, le film plus complexe que ce que prévoyait Kassovitz. Des mimiques récurrentes de Cassel à ce « Jusqu’ici tout va bien » décliné sous diverses formes, en passant par les indications chronologiques — au cas où le con de public n’aurait pas compris que le film se déroule en une journée, — la Haine ne manque pas de procédés qui l’alourdissent et l’empêchent de prendre plus d’envergure.
Parce que je trouve les personnages moins caricaturaux — avec un bémol pour Hubert, et un dièse pour les personnages secondaires — que ce qu’on peut en penser : le réalisateur est suffisamment intelligent pour ne pas en faire des symboles ou des porte-paroles, et les laisser à leur condition d’individus pour la plupart tellement désœuvrés qu’ils raconteraient leur vie à un parpaing. Ensuite, ce sont le cadrage — impeccablement au service du sens —, le scénario — du début à la fin, et quelle fin ! — et les dialogues — bien plus proches d’un Tarantino que d’un film français tout-venant — qui font de la Haine autre chose qu’un phénomène de mode oublié sitôt passé.

Alcofribas
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le 7 juil. 2014

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Alcofribas

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