1995. Mathieu Kassovitz réalise ce qui sera surement pour toujours son meilleur film. Avec La Haine, il obtient un résultat incroyable qu’il ne réitèrera jamais. Une sorte de magie qu’il cherche encore à retrouver en vain au point de se sentir l’homme le plus frustré du monde. Du coup, 17 ans après, il encule le cinéma français sur twitter après s’être débattu contre la fatalité sur le tournage de Babylon A.D. La fatalité, c’est en tout cas ce qu’il explique dans « Fucking Kassovitz », parce qu’honnêtement, même si la production américaine ne l’a pas aidé, il a des méthodes de tournage qui laissent beaucoup de place aux aléas et à l’improvisation. Comme il le dit lui-même, he’s not Steven Spielberg, he’s fucking Kassovitz.
 
Et c’est justement cet aspect-là qui fait le charme de La Haine, avec certains dialogues plus vrais que nature : « et c’était qui le mec connu ? j’sais plus mais il était connu ». Il a fait malgré lui, ou peut-être consciemment, un film culte. Personnellement je pense que ce n’est pas particulièrement voulu. Il voulait faire passer un message et faire un constat sur les banlieues, et l’aspect culte est arrivé comme souvent parce qu’il n’était pas recherché (à part le choix du noir et blanc qui fait un peu prétentieux, mais qui rend finalement le film intemporel). Le film se retrouve en fait souvent drôle et peut se regarder plusieurs fois sans problème comme un film comique. Chacun appréciera telle ou telle réplique mais une chose est sûre : il y a le choix ! Surtout grâce à un Vincent Cassel déjà excellent à l’époque, un De Niro français en puissance faisant du De Niro devant sa glace. Le film lui doit beaucoup !
 
Par ailleurs, c’est évidemment une réussite pour le message. Tout le monde est d’accord là-dessus, La Haine est LE film sur la banlieue. Un constat parfait sur la situation de plein de jeunes de l’autre côté du périf’. Le problème principal n’étant pas leur violence, leur débilité ou leur inculture, mais bien l’ennui. Les heures défilent et ils ne font rien. Cet ennui est bien montré cinématographiquement avec l’idée de ne suivre que 24h qui paraissent une semaine avec l’heure qui s’affiche régulièrement. Ajoutez à ça un manque de reconnaissance total et quelques injustices, et tout peut partir en couille rapidement. En 20 ans, la situation n’a absolument pas changé et le film est toujours autant d’actualité. Mais jusqu’ici tout va bien… Mieux qu’un documentaire, Kassovitz réussit l’exploit de filmer des banlieusards sans qu’ils soient horripilants à l’écran, ce qui n’est pas facile, comme le prouve le film L’Esquive ! Leurs bons côtés ne sont pas montrés avec lourdeurs, comme la musique et la danse, sorte de pauses dans le film qui s’intègrent parfaitement dans sa globalité.
 
Un classique, un film culte, surement mon film français préféré. Kassovitz n’a peut-être réalisé qu’un grand film, mais il devrait se calmer, parce que c’est déjà pas si mal !

MrCritik
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le 28 août 2012

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Bertrand Roche

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