Il y a des films importants dans notre vie, qui nous émerveillent, nous rappellent plusieurs sentiments oubliés ou juste le frisson d'assister à "du Grand Cinéma". Ce genre de films que l'on considère tout à chacun comme subjectif, mais qui révèle en nous une palette d'émotions en salle de l'étonnement, à la sidération de la maîtrise technique en passant par l'engouement et l'immersion pour les personnages. Des sentiments qui poussent nos émotions à leur paroxysme et où l'on s'autorise à verser des larmes de joie et de mélancolie tant le message véhiculé par le film relève du "Sublime". Je considère que ce genre de films n'arrive qu'une fois par décennie à quelques exceptions prêts, et j'affirme que La La Land fait partie de ces films virtuoses, qui deviendront atemporels et classiques du cinéma. Nonobstant d'un sentiment déjà éprouvé lors du visionnage de l'excellent Whiplash, Damien Chazelle réalisateur ambitieux déploie une nouvelle fois son obsession pour le jazz, la persévérance et l'aboutissement d'une passion en se servant de modèles désavoués par le temps (le jazz considéré ringard, la comédie musicale rappelant l'âge d'or des années 40-50 d'Hollywood).


En effet, La La Land c'est un vibrant hommage reconnaissable à "Chantons sous la pluie", "les parapluies de Cherbourg", "les demoiselles de Rochefort" ou "Westside Story". Et cela Chazelle donne le ton dès le début du film avec une introduction tout en plan séquence d'une virtuosité incroyable où la monotonie et la lassitude représentée par un embouteillage fait soudain place à une ode à la joie où les conducteurs et conductrices dansent et chantent sur une chorégraphie endiablée !!
C'est clair et c'est net La La Land sera un hommage aux comédies musicales, mais Chazelle pousse la réflexion bien plus loin à travers cette histoire d'Amour entre 2 paumés aux rêves qui leur semblent chimériques, mais auquels ils s'accrochent tant bien que mal. Lui Sébastien (Ryan Gosling) fan de Jazz rêverait de jouer du piano pour de prestigieux cabarets, quitte même à envisager d'en construire et gérer un pour redonner goût aux gens en cette musique vibrante d'histoire dont la passion pour elle s'est étiolée avec le temps.
Elle, Mia (Emma Stone) serveuse dans un coffee shop à Hollywood enchaîne audition après audition et rêverait de devenir à son tour une grande actrice.
2 rêves différents, 2 passions inabouties chacune, finissant par réunir ces 2 tourtereaux qui finissent par compléter leur solitude et leur besoin de reconnaissance en s'épaulant l'un l'autre.
Bien sûr, Chazelle met en scène tout cela ponctué de morceaux et danses comme dans une comédie musicale et l'alchimie prend parfaitement que ce soit entre nos protagonistes et le spectateur par rapport à la situation.


Chazelle renouvelle et multiplie les techniques de par les plans larges pour permettre de contempler les magnifiques chorégraphies interprêtées par Gosling et Stone, tel le plan séquence virtuose filmé de la piscine après la séquence ralenti de Mia au Club, la danse dans l'observatoire clin d'oeil exceptionnel au 7ème art et à la Fureur de Vivre avec Dean, où nos tourtereaux finissent par s'envoler dans les étoiles enchaînant de somptueuses chorégraphies et chansons enivrantes. Et puis ce morceau qui est lié à ce couple auquel le spectateur finit par s'attacher "City of Stars" qui reste longtemps gravé dans nos mémoires.
Mais le tour de force de La La Land réside dans le fait que Chazelle va bien plus loin que retranscrire une comédie musicale d'Amour, car la seconde partie du film est moins virevoltante de féerie et plus terre à terre, rappelant qu'il est important de croire en ses rêves et de se donner tous les moyens pour aller jusqu'au bout... même si la divergence des passions et la concrétisation du rêve de Sébastien et Mia doit se faire dans un renoncement de vivre et partager leur rêve ensemble. Tour à tour ambitieux et enfin reconnu pour leur talent, c'est la résignation, l'incompréhension d'un couple qui s'installera jusqu'à les éloigner de leurs destinées mutuelles respectives. Chazelle aboutit alors après nous avoir fait nous attacher à ce petit couple avec chacun leur aspérité, à une empathie qui fera progressivement et habilement place à une extrême mélancolie où lors d'une séquence de flashback,


la réussite à deux et le partage aurait fonctionné si chacun avait été un peu plus conciliant envers l'autre.


Impossible de ne pas repenser à ces moments passés avec une personne qu'on a pu aimer mais dont la vie nous a poussé à nous en éloigner pour finalement l'oublier ou perdre cette complicité amoureuse qui galvanise nos ambitions par un soutien mutuelle. L'émotion est à son paroxysme et par ce tour de force Chazelle arrive à faire exploser nos sentiments refoulés. Les larmes qu'elles soient emprunts de joie ou de nostalgie pleuvent car nous comprenons que la finitude du réalisme magnifié d'accomplir son rêve lorsqu'on s'en donne les moyens, ne peut se faire qu'au détriment d'un sacrifice sur l'autel de l'Amour.


Passions, découvertes, engouement, obstination, ambition, dépassement de soi, accomplissement, réussite, nostalgie, mélancolie, respect mutuel tels pourraient être les notions qualifiant La La Land où Chazelle arrive à tous les combiner et faire adhérer de nouveau un public qui n'est plus trop friand envers 2 genres dépassés : Jazz et comédie musicale. Une pierre angulaire dans la maîtrise technique, et le scénario loin d'être aussi niais qu'il y paraît. Le Chef d'oeuvre des années 2010, un hymne à la joie bouleversant!!


Merci Mr Chazelle d'avoir réchauffé nos coeurs dans cette période si morose à travers La La Land. Un très grand film.

Joe_Shelby
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le 22 janv. 2017

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Joe_Shelby

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