Après le nerveux et éprouvant Whiplash, La La Land est un film qui fait du bien. Un film bigarré, chatoyant, doux comme une caresse un dimanche matin quand y'a pas la Messe. Damien Chazelle est un artisan totalement anachronique, qui dans un monde saturé de technologie, de numérique et de blockbusters fakes, a trouvé la formule pour un un film bio.
La La Land est un film organique. On dirait qu'on peut le toucher.
Cette seule affirmation le situera au dessus de la majeur partie de la production hollywoodienne actuelle et sans doute à venir.
Virtuose, il ne manque pas de l'être. Exigeant, tout autant. Et à chaque instant agréable à l'œil. Alors qu'est-ce qui cloche, docteur, me demanderez-vous ? Hé bien une poignée de coquilles.
La première, c'est qu'il met une bonne heure et quart à être intéressant. Il n'y a pas de conflit dans ce film pendant tout un acte 1 infiniment long, alors que ce dernier prend soin de placer les buts des deux tourtereaux ( réussir en tant qu'actrice / fonder sa boite et réhabiliter le jazz ) et le gros obstacle ( la rencontre et l'amour ). Cette absence de friction rend le métrage un peu morne, et surtout quand elle intervient, c'est trop tard.
Du coup, tout ce qui précède, si impeccable soit-il, parait vain et forcé. Etiré au delà du raisonnable, pour le plaisir complaisant des yeux.
La deuxième, c'est qu'il est tellement révérencieux et déférent envers ses illustres influences ( Les Parapluies de Cherbourg et Casablanca entre autres ) qu'il échoue à surprendre. On ne peut être cueilli, si on ne fait que reconnaitre un travail très bien fait. J'ai pour ma part acquiescé sans animosité ni enthousiasme toute la deuxième partie du film... Ça reste du travail d'orfèvre, mais me tient à distance.
Et puis il y a cette fin, ambitieuse, mais déraisonnable : dans la vie fantasmée de la superbe chanson finale, Ryan Gosling a abandonné son rêve de fonder son propre club et il vit aux bras d'Emma Stone, qui elle n'a rien abandonné du tout, la salope ! Ça veut dire quoi ? Qu'on n'est pas égaux face à nos rêves et buts dans la vie ? C'est injuste. C'est vraiment trop injuste...
Sinon, j'en suis venu à me demander si l'excès de plans-séquences ne finissait pas par nuire au renouveau du découpage. La scène de danse au crépuscule quand elle cherche sa voiture aurait été magnifique avec un vrai découpage. Là, on sent que le cadreur finit par manquer d'idées et se répète : "Je m'avance, je recule... Je monte sur une grue, je redescends... Je m'avance..."
Mais, fans du film, ne laissez pas mes élucubrations ternir votre propre souvenir. Ce film, je le trouve réussi dans tout ce que le 7e art a à offrir et mérite la plupart de ses lauriers. Si je ne me suis pas laissé emporter, ça n'est pas uniquement de sa faute !