Il est parfois de ces objets, de ces êtres, de ces moments et donc quelque fois de ces films qui sont aimés comme par malentendu… il en est d’autres, parfois les mêmes (pour mon sale esprit critique anti « mainstream ») dont on se méfie avec acharnement, les soupçonnant de vacuité facile à but plus lucratif qu’inventif et qui pourtant révèlent des magies, des profondeurs insoupçonnées…
Dans ce genre, « La la land » avait pour moi le nom d’une comédie musicale-hommage, gentillette, mièvre, ravissante aussi. Elle avait la musique légère d’un doux printemps, et les paroles d’une chose jolie, divertissante, aimable mais pas plus.
Alors, curieux tout de même de savoir pourquoi et comment celui qui avait réussi l’excellent «Whiplash » s’était « dévergondé » dans ce genre cinématographique un peu ... un peu… (bref, restons correct) et désireux de participer a contrario aux différences extases de mes amis (et amies surtout) qui disaient le plus grand bien de ce pays des lalala, je me suis décidé finalement à y trainer mon œil candide.
Et … ô surprise… La la land fut pour moi autre chose : une leçon d’intelligence cinématographique, de sous texte subtil qui parle d’Hollywood et au travers de lui, de l’art, du rêve fracassé et fracassant de créer, de l’espoir, du compromis, du tiraillement de l’artiste, du renoncement, de l’évasion et du pouvoir de l’imagination… comme jamais, il me semble, on ne m’avait parlé de tout cela auparavant, au cinéma.
Le film débute -alors que je suis encore dubitatif- sur un travelling arrière remontant une file de voitures embouteillées, en direction de Los Angeles. Le message est clair : la voie d’accès aux rêves est bloqué, surchargé, à l’arrêt… puis de cet immobilisme forcé s’extirpe peu à peu une danse frénétique qui envahit tous les automobilistes candidats au rêve, sorte de ballet irréel au trait forcé d’hommage aux comédies du genre dit musical. Tout est dit : la création, l’imaginaire sont plus puissants que la réalité, ils nous aident à la transcender, la recréer, l’inventer, la rendre conforme à nos souhaits.
Génial on ne sera donc pas dans le 1er degré gentillet et mièvre mais dans le signifiant issu du sous texte ! Bref du vrai cinéma !
Et d’ailleurs cette scène originelle fait écho à celle de la fin, sublime à mon sens, qui résume le film (en le déformant) en une scène épique , virtuose, entrainante qui confirme bien ce jeu de massacre, cette lutte entre le pouvoir créatif de l’imaginaire, fou, ambitieux et le réel médiocre, raisonnable.
La la land est donc un film qui nous parle des films, de cette magie sans cesse renouvelée du rêve donné par le cinéma.
D’aucun critiqueront la sorte de banalité du reste du film (j’ai lu par ailleurs son ventre mou) de Chazelles, de son histoire, ses personnages. Moi pas. Car j’y ai vu la narration habile du parcours de cette lutte, ses méandres, ses doutes… une mécanique bien foutue qui nous donne à reflechir sur cette machine qu’est hollywood, et donc le cinéma, et donc la création, et donc l’artiste.
Oui j’ai aimé La la land mais j’y ai vu bien autre chose qu’une comédie musicale hommage à Demy et aux autres experts du genre. J’y ai vu un film subtil, fin, sensible, âpre, avec certes quelques facilités parfois mais qui mêle surtout parties musicales, dansées (assez rares finalement) et réflexion sur l’art dans la vie vraie. J’ai aimé La la land car il n’est pas ce qu’il parait être, j’ai aimé la la land car on y repense encore bien des jours après l’avoir vu… et ça c'est un vrai signe que c'est du bon cinéma!