Il y a parfois de drôles de coincidences dans la vie ; Arte avait prévu de diffuser ce film, très rare pour de multiples raions (il n'existe pas en dvd, et il y a un conflit avec les ayants-droits), avant que l'on sache la disparition soudaine de Bernadette Lafont.
Hommage lui a donc été rendu avec cette diffusion télé d'un film que je ne pouvais pas rater, le sujet m'intéressait, et il faut dire, sa réputation ; nombre de cinéphiles le classent dans leurs films français favoris.
Le film part d'un postultat au fond assez basique : un jeune homme (nommé Alexandre) est tiraillé dans sa passion avec deux femmes et ne sait laquelle choisir ; Veronika, ou Marie, dite "la vieille de 30 ans".
Sur la forme, on a l'impression de voir un film monstre : il dure près de 3h30, image en noir et blanc, aucune musique à part celles d'ambiances, et très peu d'acteurs. En plus de cela, c'est très verbeux, avec une mise en scène essentiellement basée sur le plan séquence.
Et pourtant, malgré tous ces simili défauts, c'est peut-être ce que j'ai entendu de plus fort sur l'amour raison, l'amour passion.
Le film est issu de la Nouvelle vague, avec cette absence de moyens manifeste, et on pense souvent à Godard, dans sa manière qu'il a de traiter de biais ses sujets.
Outre parler de l'amour, le film est aussi un pouls sur la jeunesse de l'après-Mai 68, celle qui veut se libérer sexuellement, celle qui veut s'émanciper, celle qui veut avoir un avenir. Mais le sujet reste avant tout l'amour.
On peut être irrité au départ par la manière dont Jean-Pierre Léaud joue souvent faux ou semble lire un texte, mais quand on le voit dans ses divers rôles, y compris chez Truffaut, c'est une habitude à prendre, et après, ça passe.
Les deux actrices, Bernadette Lafont, ainsi que Françoise Lebrun, sont toutes les deux magnifiques, et représentent quelque part la jeunesse française, et non pas un idéal féminin de beauté (quoique Lafont a un regard très félin). Mais elles ont du bagoût, acceptent pour quelque temps cette idée de relation triangulaire, mais vont faire basculer le film vers quelque chose de plus dramatique qui va faire rentrer le jeune homme dans la vie adulte comme on prend un coup de pied au cul.
Mais ce qui frappe aussi, c'est la crudité des dialogues, et, plus surprenant encore, de la part des femmes. Le personnage incarné par Léaud est plutôt passif, et laisse faire les choses pensant qu'il ne fait rien de mal.
C'est peut-être ce qui a fait que le film a été frappé d'une interdiction dans une société naguère très conservatrice ; oui, les femmes aiment baiser !
Marie et Veronika ont leur libido, leur sexualité, et clament haut et fort que elles aussi, elles aiment faire l'amour, sans forcément qu'il y ait une histoire derrière, et ça ne les fait pas passer pour des salopes. Non, elles écoutent leurs pulsions, et je suis ravi de l'entendre qui plus est dans un film français.
Le film se cloture d'ailleurs par un très long plan séquence sur Veronika, en pleurs, qui se sent perdue et pour qui le sexe n'a plus de place dans sa vie, car elle veut aussi aimer. Mais elle ne renie pas ses expériences passées, et ses multiples baises.
La durée du film s'explique aussi par les nombreuses tranches de vie qui le constitue. C'est Alexandre qui se perd dans ses doutes, qui voit ses amis, et qui se rend qu'il doit changer, mais comment, en aimant deux femmes à la fois ?
Il faut savoir que c'est un film très fauché, où les acteurs ne pouvaient avoir qu'une seule prise, donc la réalisation est souvent constituée de plan-séquences.
La copie du film, lors de sa diffusion sur Arte, n'a visiblement pas été remasterisée (l'image fut par moments trop contrastée), je me garderais bien de juger le travail de Pierre Lhomme
Alors attention, je délire peut-être sur ce film, mais il faut prévenir les gens qui veulent voir ce film ; c'est très très long (et, franchement, on aurait pu raccourcir), ça joue parfois faux, et si on veut être méchant, on dira qu'il ne se passe pas grand chose. Mais si on prend son courage à deux mains, la récompense est de taille.