Finit hic, deo

Rageant : c'est le sentiment dominant toutes mes pensées à la fin de la séance. Un tel gâchis d'un tel potentiel, il y a de quoi être déçu. Après le deuxième opus de la saga «Conjuring» réalisé par James Wan qui atteignait les sommets du genre, on était tout à fait en droit d'attendre un maximum du film centré sur le blasphème le plus flippant du cinéma d'horreur récent. On attend toujours.

Sur le papier, «La Nonne» avait tout pour être une réussite : une créature qui fout la trouille, une abbaye bien glauque, l'appui du maître de la saga à la production... et pourtant le film se plante totalement à - presque - tous les niveaux. En effet, le film de Corin Hardy est très loin d'être exempt de défauts, et quand on passe derrière les monuments de James Wan, la comparaison fait encore plus mal.

La première question quand j'ai vu la nonne d'aussi près c'est : qu'est-ce qu'ils lui ont fait? Ses yeux en CGI hideux, pourquoi? C'est justement le fait qu'aucun élément de son visage ressorte particulièrement qui faisait peur. Ici, elle parait moins crédible et elle fait moins peur... et aussi, faudra qu'on m'explique quel est l'intérêt de la voir de si près à chaque fois. Ce qui la rendait flippante, c'est qu'on n'arrivait jamais à la voir suffisamment longtemps dans «Conjuring 2», on n'arrivait pas à discerner son visage dans le noir non plus, et ça, ça faisait flipper. Désormais, oubliez tout ça... gros plans sous différents angles de vue, la nonne n'aura plus aucun secret pour vous, ni plus aucun frisson à procurer par ailleurs...
À vrai dire, je ne sais quel moment dans le film est le pire. J'hésite entre le moment où la nonne se met à parler à la fin, soit lorsque l'on découvre ses nouveaux pouvoirs de transformations (totalement incohérents avec «Conjuring 2») car oui, apparemment, la nonne s'amuse à prendre l'apparence de nos pires peurs depuis 1952, mais elle aurait arrêté en 1976 pour la suite de «Conjuring». Tout ça me rappelle fortement un film écrit par le même réalisateur... pas vrai Grippe-sou?

Tiens en parlant du scénariste... Gary Dauberman, tu ne te serais pas un peu foutu de nous non? Même pas un peu, sûr? Non parce qu'il y a de quoi se demander, vu le vide du film... Je vous explique : à partir du moment où les trois protagonistes débarquent dans l'abbaye, il se passe pas vraiment grand chose d'intéressant. Du point de vue de l'histoire je veux dire, parce que des screamers et des scènes horrifiques qui se succèdent, ça oui vous en aurez. À la limite ça aurait pu tenir un minimum la route si elles étaient un minimum prenantes, mais vu les incohérences et/ou les invraisemblances dans chacune d'entre elles, personnellement, je suis passé à travers à chaque fois, et ce malgré la très belle ambiance qui se dégage de ces décors.

Il faut dire que le ridicule s'invite trop souvent dans l'histoire pour créer une quelconque tension dans le film, en particulier sur la fin qui est tirée par les cheveux au possible. Je ne sais pas ce qu'ils ont été nous inventés, je n'ai pas trop bien compris quel était le but...

Le réalisateur, parlons-en. Quelle déception de sa part ! Je n'ai pas encore vu «Le sanctuaire», mais j'en avais plutôt lu du positif donc j'avais plutôt confiance en lui pour avoir le droit à un bon film... rêves éveillés... c'est générique et bas de gamme, au total quatre scènes plus originales que la moyenne et une scène (celle avec les draps et la nonne qui se balade pour filer les jetons au Père Burke) très réussie à sauver, sinon, c'est proche du néant. Il y a même une scène presque copiée du film de Wan, en bien moins réussie cela dit (l'ombre de la nonne). Par ailleurs, je ne comprends pas comment le réalisateur a pu accepter un tel montage, la narration est tellement chaotique, tout s'enchaîne sans cohérence, déjà que le film ne raconte rien... c'est dommage.

Niveau bande originale, hormis le thème de la nonne déjà entendu dans «Conjuring 2» et quelques vibrations plus ou moins glauques, on n'a pas grand chose à se mettre sous la dent à ce niveau là. Il y avait tant à faire pourtant encore une fois...

Cela dit, il n'y a pas que des points négatifs dans le film de Hardy : comme souligné ci-dessous, l'ambiance générale du film est plutôt pesante et c'est en grande partie du à la photographie absolument splendide qui met bien en évidence toute la splendeur des décors (l'abbaye est vraiment glauque, même si on ne la voit pas assez). Globalement le film arrive à tenir la route sans ennuyer grâce à ces quelques points positifs, dont la bonne performance de Taissa Farmiga par ailleurs qui, malgré un rôle complètement vide, essaye tant bien que mal de paraître crédible devant la caméra.

Car oui, il faut en parler des rôles du film. Peut-on faire des personnages encore plus plats, plus bancals et des dialogues plus navrants que ça? Je me le demande... Déjà il faut dire que le point de départ est complètement absurde : le Vatican missio,ne deux personnes n'ayant rien à voir l'un avec l'autre pour mener l'enquête au fond fin de la Roumanie... bon soit pourquoi pas. Mais quelle était l'utilité de rajouter le personnage du Frenchie québécois (sans accent québécois) hormis celle de rajouter de l'humour qui désamorce toute tension? Grosse erreur. Car non seulement c'est ridicule et grand-guignolesque au possible, mais aussi après ça certaines scènes ne font plus du tout peur... et après Warner. Bros ose promouvoir le film comme étant «le plus terrifiant dans la saga» «Conjuring» : sans commentaire.

Pour finir sur du positif, j'ai bien aimé le petit clin d'œil à notre démon préféré (plaque d'immatriculation au début Va7lak), ainsi - et surtout - le lien fait entre ce film et le premier «Conjuring», cohérent et plutôt bien pensé.

En somme, «La Nonne» est un film paresseux, qui ne tente rien et qui se prend au sérieux tout en ne l'étant pas, alliant incohérences et feignantise d'écriture, alors que tout le monde attendait ce film au tournant : la déception est donc immense. On ne passe certes pas un mauvais moment devant ce nouveau chapitre de la saga, mais il y a bien trop de points négatifs qui entravent l'appréciation du film pour prétendre à une bonne note.

8/20