Mémoire gelée

Depuis Quai d'Orsay, on sait que Thierry Lhermitte est un acteur capable capable de jouer des rôles bien plus profonds et complexes que les personnages de comédie auxquels il a été longtemps cantonné. Il est excellent dans cette adaptation du roman de Jean-Paul Dubois, à la fois touchant et drôle, toujours extrêmement juste dans la peau d’un personnage fracassé physiquement et moralement qui remonte peu à peu la pente en s’éloignant du monde factice de l’argent et de la réussite auquel sa femme et ses deux fils tiennent plus que tout. La première partie du film est particulièrement réussie, avec ses longs plans méticuleusement cadrés qui donnent au spectateur tout le temps et l’espace nécessaires pour s’installer dans cette histoire hors du commun. Les couleurs froides des buildings et des intérieurs aseptisés sont à l’unisson de la météo glaciale de l'hiver montréalais et de la mémoire gelée du malheureux héros, incapable de se souvenir du drame qui a brisé sa vie. Plus drôle, mais aussi plus anecdotique, la seconde partie s’aventure dans le registre de la comédie noire, sans oser pousser les curseurs assez loin, comme aurait su le faire autrefois un Marco Ferreri. Mais on sait gré au réalisateur et à son interprète principal d’avoir su conserver une humanité et une sincère dignité à leur personnage, sans sombrer dans un cynisme facile ou dans les clichés du «film de résilience».