Quand on cherche la franchise Halloween, les premières images sont peut-être celles d'un masque grisâtre sur un corps athlétique et trop musclé revêtu d'un costume noir. C'est là tout ce dont est capable l'Internet et ses suppôts Google, Opéra, Firefox et autres ignorantins. Mais quand on parle de cette saga aux spectateurs, êtres de chair, d'os et de sang et parfois aussi de sentiments, très divers, alors c'est un plan séquence qui se déroule dans les mémoires ! Cette caméra qui épouse le regard d'un voyeur extérieur, puis pénètre le foyer avant de poignarder la jeune fille de la maison. Avant l'impensable révélation: le prédateur est le petit frère, le fils de la maison, qui regarde devant lui, sans vie, sans âme, sans réaction ! Et ce masque qu'enfile en même temps que le tueur un spectateur malgré lui complice ! Ce masque qui, comme tous les masques, renforce le bruit sourd de la respiration de son porteur !


Puis le film redevient un simple slasher.
Mais un très très bon slasher servi avec brio par deux monstres du cinéma de deux générations différentes que la fin seule fera se rencontrer.
Le premier à faire son entrée est l'aîné, Donald Pleasance, iconique Ernst Stavro Blofeld, ennemi de James Bond dans On ne vit que deux fois, qui a aussi brillé en faussaire myope mais rusé dans La Grande évasion, en suspect trop humain dans La Nuit des généraux ou encore dans des rôles d'assassins cruels mais touchants dans les séries soeurs Columbo et Madame Columbo. Le même Donald Pleasance, cher à John Carpenter, initiateur des aventures du tueur d'Halloween, que l'on retrouvera dans Prince des Ténèbres dans le rôle d'un prêtre sans doute apparenté à son personnage de psychiatre dans ce film, les deux sauveurs se nommant Loomis. Et même Samuel Loomis dans Halloween : un nommé tout droit sorti de la principale source d'inspiration d'Halloween, le Psychose d'Alfred Hitchcock, où l'amant de la victime et protecteur de sa soeur se nomme en effet Sam Loomis.
Le Sam Loomis de Carpenter et d'Halloween fait office de Cassandre d'un monde athée qui, bientôt, découvrira qu'à défaut d'être assuré de l'existence de Dieu, on peut être assuré de l'existence du Diable. Un rôle en profondeur et en finesse pour un Donald Pleasance en forme, haut en couleur mais peut-être trop mis en marge pour laisser émerger sa puînée.
Puînée qui est la seconde à faire son entrée en scène. Rien de moins que la "Scream Queen" Jamie Lee Curtis, vedette future de nombreux slasher outre les Halloween, aussi connue en général pour le Poisson nommé Wanda et Créatures féroces qui jouaient les prolongations de deux ex-*Monty Python*s, pour Freacky Friday ou encore pour l'inénarrable True Lies où la belle brune joue les Miou Miou américaines. La belle Jaimie - qui ressemble cependant trop à son père Tony Curtis, soit, entre autres rôles, l'interprète de l'hilarant Dany Wilde d'Amicalement vôtre - est d'ailleurs elle aussi liée au Psychose d'Hitchcock, par sa mère, Janet Leigh, qui hurlait sous la douche devant une horreur qui a marqué l'Histoire du cinéma.
Son personnage, Laurie Strode, compte aujourd'hui parmi les plus célèbres héroïnes de slasher, aux côtés de Sidney Prescott, Nancy Thompson, par exemple. Une jeune femme, certes encore un peu demoiselle en détresse, étant pour la première fois confrontée au tueur, mais courageuse, avisée et sensible aux signes qui ne trompent pas.
Pour compléter cet excellent personnel qui donne vie au tableau, celui qu'on appelle La Forme ("The Shape") et qui n'est, en effet, bien souvent dans ce premier film, qu'une suite de métonymies sonores et visuelles, une silhouette immobile et inquiétante, postée au loin, disparaissant. Cet être effrayant, irréel, c'est l'enfant du plan séquence initial devenu un adulte, devenu inhumain. Il se nomme Michael Myers et incarne la Mort, que rien n'arrête, qui avance quel que soit l'obstacle et tue avec violence mais comme une machine vide de toute conscience. Une respiration plus faible et plus humaine que celle qui fait l'aura de Dark Vador, son aînée d'un an seulement, mais si juste et si subtile, qui se fond dans le décor et génère l'épouvante.


Avant que le démon à la face pâle ne surgisse de la nuit pour jouer du couteau, enfoncer les klaxons, poignarder les dépucelés et terrifier les enfants, un jeu de cache-cache ingénieux et poétique par les routes infinies et les buissons égaux, labyrinthes ...


Puis vient la nuit.
La nuit après laquelle plus rien ne sera jamais pareil.
Le Dr Loomis, seul à savoir le fauve lâché en liberté, sa voiture dérobée par des mains sanguinolentes et des bras musclés, est déjà en plein safari, accompagné par un shérif sceptique. Laurie Strode a l'intuition d'une menace, un homme en noir et au visage blanc comme le plâtre qu'elle semble seule voir.
Halloween, encore traduit comme "notre carnaval à nous", s'apprête, qui verra l'avènement inopiné non pas d'un énième tueur mais d'un croquemitaine trop réel pour ne s'évader que d'un simple cauchemar.


Les péripéties et hécatombes se suivent, souvent prêtent à rire aujourd'hui quand elles pastichent innocemment Le Grand Frisson de Mel Brooks pourtant sorti l'année précédente, mais sont toujours efficaces et livrent une représentation alors nouvelle et moins édulcorée de la violence.
Jusqu'à l'excellent final où le croquemitaine métaphorique devient un véritable croquemitaine, immortel et aussi implacable que celui, figé, de La Grande menace, qui sévit la même année dans les salles obscures sous les traits haineux de Richard Burton ! De quoi préparer les spectateurs à l'effroyable xénomorphe que relâchera l'an suivant, pour fermer le cortège.


Tout n'est pas encore expliqué. On ne connaît pas les motivations de Michael Myers, les liens qui, contre toute attente, unissent le tueur et sa proie. Mais tout est flou, suggestif, à la discrétion du spectateur. Tout est encore possible ! Ce qui explique que ce film connaît en cette fin des années 2010 pas moins de trois suites (Halloween 2 (1981), Halloween: 20 après, il revient (1998) et Halloween (2018) ) et d'un remake !


Chef-d'oeuvre du genre dit horrifique, perle d'épouvante, référence d'horreur, La Nuit des Masques, premier volet et volet indépassable de la saga Halloween se doit d'être vu et connu.

Frenhofer
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le 10 nov. 2019

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Frenhofer

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