Joli film qui hésite entre fiction et documentaire

A Chiogghia, une île de la lagune de Venise, une jeune femme, Shun Li, otage de la mafia chinoise, est obligée de travailler dans un atelier textile puis dans un restaurant italien racheté par les chinois pour payer son voyage et son permis de travail en Italie. Son fils de 9 ans, resté dans son pays, est gardé par son père. Le seul objectif de Li est de parvenir à gagner suffisamment d'argent pour que ses commanditaires acceptent de faire venir son fils en Italie.


L'histoire se déroule au milieu de gens simples, des pêcheurs pour la plupart âgés, qui travaillent et vivotent de leur pêche. Ils se retrouvent dans le restaurant "Il paradiso" et l'un d'eux, Bepi, dit "le poète", devient ami avec la jeune chinoise jusqu'à ce que le chef local de la mafia chinoise, trouvant que ce rapprochement représente un risque pour leur couverture, la mette en demeure de rompre cette amitié naissante. Shun Li n'a pas le choix et accepte d'être transférée dans une autre ville où elle travaille dans un atelier textile. Grâce à cela et au sacrifice d'une jeune fille chinoise rencontrée à Chiogghia, Shun Li retrouve sa liberté et son fils. Mais, lorsqu'elle revient à Chiogghia pour revoir Bepi, elle apprend que celui-ci est décédé entre temps.
Mon opinion sur ce film


Rien de glauque dans cette histoire ; ni sexe, ni violence, ni drogue. Le film aborde cependant une réalité peu connue et qui doit toucher peu ou prou tous les pays occidentaux, quels qu'ils soient : la lente et sourde progression de la mafia chinoise qui, sous couvert d'affaires honnêtes, grignote peu à peu des pans entiers de notre économie déliquescente en transformant ses propres ressortissants en esclaves. Certes Shun Li n'est pas obligée de se prostituer ni de dealer, certes elle n'est pas brutalisée, mais elle est néanmoins la victime d’un chantage et d’exploitation. En réalité, elle est une esclave "légale" et soumise au bon vouloir d'une hiérarchie dont on ressent qu'elle ne doit pas traiter tous ses "employés" avec autant de compassion. Personnellement, je ne me plains pas que le film reste toujours dans ces limites très soft et que, pour une fois, on nous épargne des scènes de violence tout en nous suggérant qu’elles existent bel et bien.


On est à Venise, ou du moins tout près, dans l’une des îles de la lagune, où la vie se déroule plutôt paisiblement au milieu de gens simples. Les images reflètent cette paix et cette simplicité, presque trop : c’est la seule critique que je ferai à ce film. En effet, à certains moments, on se surprend à se demander si l'on ne voit pas un documentaire plutôt qu'un film mais l'histoire reprend ses droits.
Joli film, attachant, mélancolique, qui ne parvient cependant pas vraiment à nous émouvoir, bien que l'on comprenne et que l'on partage les sentiments de ces personnages car ils manquent un peu d'épaisseur et l'histoire se déroule, sans heurts, sur un rythme où l'esthétique fait un peu oublier le propos. A ce sujet, je rejoindrais volontiers la critique des Inrocks qui écrivent : "Un pari ambitieux mais gangrené par un manque cruel de rythme et par son oscillation incessante entre documentaire et fiction. Dommage car cette Petite Venise aurait pu être un grand moment de cinéma."

Roland Comte

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