Voilà une sortie en DVD à découvrir ce mois-ci… La Petite Venise, un film dont le titre est déjà une invitation au voyage… dont on ne sort pas déçu, bien au contraire. Et cela à plusieurs titres : un film à voir pour la beauté des paysages – la lagune vénitienne – et la grande humanité qui se dégage de cette histoire et des liens amicaux, fraternels, qu’elle évoque, sans oublier d’évoquer la poésie omniprésente de cette œuvre. Une vraie réussite en somme.

Le réalisateur a choisi d’ancrer son histoire près de Venise, entre mer et lagune. Originaire de Vénétie, Andrea Segre, jeune réalisateur ou plutôt documentariste trentenaire, renoue donc avec sa terre d’origine et filme Venise de manière presque photographique : les scènes sont cadrées avec minutie et esthétisme et l’on sent bien la grande sensibilité du réalisateur qui, en suivant le parcours quotidien de Shun Li, jeune chinoise exilée, capte différents moments de la journée, entre brouillard matinal, chaleur d’un soleil réchauffant les âmes, ou nuit éclairée à la lueur d’une bougie votive, rempart à la solitude et métaphore d’un espoir incertain.

Au-delà de l’aspect esthétique très réussi de ce film, Andrea Segre offre une belle leçon d’humanité. On assiste ainsi à la rencontre de deux solitudes entre Bepi, le pêcheur yougoslave sorte d’ours poète égaré et la jeune Shun Li, qui incarne à la perfection cette douce fragilité, très émouvante dans son espoir de faire un jour venir son fils à ses côtés. Malgré cette fragilité apparente, on sent en elle une détermination farouche ; elle incarne, à l’image de sa voisine de chambre, cette communauté de chinois venus en Europe pour servir de main d’œuvre. Andrea Segre, anthropologue de formation, montre bien tous les travers de cette exploitation par le travail, les sacrifices et renoncements auxquels sont contraints et livrés ces êtres qui n’ont pas d’autres choix que de se résigner et se plier à la tâche sans broncher. Malgré cette dure confrontation des communautés chinoise et italienne, La Petite Venise montre que des liens forts mais furtifs sont toutefois possibles et que l’intensité alors vécue rend ces relations plus fortes que toute autre. Et c’est dans la communion des âmes et des sensibilités que cette rencontre à lieu ici.

Le vieux Bepi est poète, aime les vers et la mer. Shun Li allume quant à elle des bougies flottantes en l’honneur d’un grand poète chinois tout en évoquant le souvenir de son père ancien pêcheur et rêvant devant la beauté d’une lagune photographiée. La sensibilité commune de ces deux êtres réunis ainsi puis bientôt soumis au regard désapprobateur des deux communautés offre au spectateur de beaux moments de poésie. Dans un monde de travail hostile, ces deux-là se réchauffent le cœur et trouve un rempart à leur solitude, une sorte de famille perdue ou de substitution. La fin du film signe une métaphore ultime, témoin d’une éternité des sentiments indestructibles et éternels.

On ne peut alors que saluer le travail d’Andre Segre qui manie la réalisation de cette fiction d’une main de maître pour un documentariste qui n’avait jusqu’alors jamais touché au genre. Salué et primé à de nombreux festivals en 2011, ce film présage on l’espère un heureux avenir au jeune réalisateur.

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Auteur : Diane
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le 13 déc. 2012

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