dec 2010:

Deuxième blu-ray emprunté à la médiathèque Fellini mais premier gros frisson de plaisir visuel. Après "The wild bunch", déjà un blu-ray Warner mais un peu décevant sur le plan formel, ces "Searchers" offrent quelques moments inoubliables, comme cette confondante impression d'être au cœur de Monument Valley. Boudu! Le grain de cette photo et les nuances vives du Technicolor prennent des envergures qui atteignent au sublime, au sens le plus jouissif du terme, orgasmique, suprême, divin. Que n'ai-je vécu pour ce genre de moments! "Bon sang de bois", "saperlipopette", "par Mithra tout puissant" et "foutre dieu" réunis! Quel panard! Je jouis de l'œil pendant deux heures.

J'avais eu la chance de voir ce film il y a quelques années déjà à l'Utopia bordeluche et j'ai retrouvé ce plaisir du grand spectacle fordien, l'écrasante masse de l'univers, les beautés grandioses de la nature qui s'accordent comme par magie aux thèmes abordés par le maitre. L'indécision des personnages joue le sort des liens familiaux largement taraudés par les évènements et la sauvagerie de l'ouest américain. L'identité au sein de la famille, les liens de sang et ceux de l'affection sont interrogés avec une grande violence.

Le personnage joué par John Wayne est travaillé par des conceptions qu'une guerre de sécession a déjà fortement ébranlées et que la conquête sans partage des terres a rendues encore plus agressives. Jusqu'où le racisme anti-indien qui le ronge va-t-il le mener? L'enjeu du film est là. Cette bataille intérieure se déroule dans son cœur. La quête de l'enfant perdue peut-elle rapprocher l'homme de cette partie de sa famille, du neveu métis, adopté, et de la petite Nathalie Wood, culturellement indianisée par sa longue captivité?

Entre quête initiatique pour John Wayne et Jeffrey Hunter -l'un ouvrant son cœur et l'autre devenant un homme- et voyage dans l'immensité d'un ouest divers (aride, vert ou glacé), le film invite le spectateur à passer par de riches émotions.

Le racisme ambiant est un peu difficile à encaisser de nos jours mais n'en demeure pas moins une réalité majeure de l'époque, sur lequel la volonté pionnière des occidentaux a fondé une certaine part peut-être de son abnégation. Je ne dis pas que tous les américains étaient racistes et violents mais disons que la conquête de l'ouest n'est pas non plus une promenade paisible, avec boutons de fleurs au bout du fusil.

Le cinéma de John Ford se révèle souvent être une expérience très forte pour le spectateur, mariant l'épreuve physique, la caresse poétique, le rire cajoleur et l'émotion bouleversante.

Peut-être que certains comédiens en font un peu trop. Jeffrey Hunter pour qui j'ai toujours eu de grandes difficultés à éprouver une réelle estime et peut-être aussi Hank Worden dans un rôle de crétin un peu lassant ne me paraissent pas toujours très crédibles dans leur gestuelle ou la manière qu'ils ont de s'exprimer. Par contre, j'adore Ward Bond, son ton est toujours juste, sur un tempo d'une parfaite fluidité. J'aime bien John Wayne. Il trouve là un de ses meilleurs rôles sans doute, très épais, costaud, à fleur de peau, sombre et effrayant. Impeccable.
Alligator
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le 16 avr. 2013

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