Le voilà donc, cet ouvrage qui fit tant scandale à sa sortie ! Il faut dire que le livre de Diderot était déjà sacrément osé à l'époque. On prend donc des précautions : un carton, au début du film, incite à ne pas faire de généralisation vis-à-vis de ce qui est montré, que c'est de la fiction. Puis une voix off et des gravures démontent tout cela en expliquant, au contraire, que Diderot s'est inspiré de personnages réels.


Comme souvent chez Rivette, la reconstitution historique est dépouillée. Ne vous attendez donc pas à des fulgurances dans les couleurs, etc... L'adaptation prime, et la puissance du film passe par les dialogues, le placement des personnages dans le champ, etc...


Anna Karina, quel force dans le regard, quelle intensité dramatique, comment ne pas aimer cet être humain ? A noter la présence de Jean Martin, le colonel Mathieu de la Bataille d'Alger.


C'est au fond un film d'évasion, qui n'est pas aussi claustrophobique que ce à quoi on pourrait s'attendre. Il n'y a pas de musique autre qu'intradiégétique (cantiques, chansons jouées au clavecin). Entre film psychologique (Suzanne est soumise à toutes sortes d'épreuve et ne peut jamais compter que sur elle-même) et film à thèse (c'est l'histoire d'un individu qui choisit de ne pas se plier pour obtenir la liberté), c'est très satisfaisant, à défaut d'être visionnaire.


Le son n'est pas toujours très bon, certains bâtiments religieux faisant naturellement de la reverb.


Synopsis : Un office. On mène Suzanne Simonnin en robe de mariée pour prononcer ses voeux d'entrée dans les ordres. Mais elle répond "Non" au prêtre qui lui demande si elle accepte une vie de chasteté, pauvreté, piété, et prend la foule à témoin qu'elle est contrainte et forcée. Sa famille la garde enfermée. Le prêtre familial lui avoue qu'elle est l'enfant d'une union de sa mère avec un étranger, et sa mère la conjure d'entrer au couvent pour expier sa faute.


Elle se résigne. Novice, elle confie ses doutes à sa supérieure, qui sait l'écouter. Elle ne garde aucun souvenir de la journée où elle prononce ses voeux. Elle apprend la mort de sa mère, et la supérieure tombe malade et meurt aussi. La nouvelle supérieure encourage les pénitences physiques, mais certaines soeurs se rebellent, dont Suzanne, qui devient la tête de Turc. Elle songe au suicide. Demande du papier pour écrire une confession, mais elle en utilise une partie pour faire passer un message. La supérieure la met trois jours au cachot et lui fait jurer de ne rien répéter. Le message touche un avocat, M. Manoury, prêt à la défendre pour obtenir sa libération. La supérieure la juge possédée du démon, la coupe des autres soeurs. Elle subit de mauvais traitements, et son avocat est impuissant. Un prêtre vient la voir pour l'exorciser, se rend compte de la situation, l'interroge. Elle retrouve son habit et une nourriture correcte, mais apprend qu'elle a perdu son procès. Le prêtre revient la voir : elle va être transférée à Sainte-Eutrope (Arpajon).


Dans le nouveau couvent, l'ambiance est beaucoup plus relâchée. La supérieure est très tactile et a ses favorites. Elle a un coup de foudre pour Suzanne, ce qui suscite des jalousies des anciennes favorites. Elle se confesse à un prêtre, qui lui dit de fuir sa supérieure comme le Diable. Le nouveau père la comprend, lui avoue que lui non plus n'avait pas la vocation. Alors que la supérieure se consume d'amour, il propose à Suzanne de s'enfuir. L'évasion réussit, mais le prêtre essaie de la forcer. Elle s'enfuit, des paysans la retrouvent dans le fossé. Elle mendie, une prostituée la prend sous son aile, mais invitée dans une soirée mondaine, elle préfère se suicider.

zardoz6704
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le 2 août 2018

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