La Rivière rouge par Remy Pignatiello
En 1946, avec la volonté de s'émanciper des studios et de leurs contrats, Hawks achète les droits du roman The Chilson Trail, de Borden Chase. Le roman, basé sur des faits historiques, raconte comment Jesse Chilsom alla du Kansas au Texas, traversant la Rivière rouge, afin d'ouvrir la voie à du transport de bétail en masse. Les chiffres indiquent qu'en 1866, 250 000 bêtes auraient transités comme cela.
Hawks choisit pour cela John Wayne, plus ou moins conseillé par John Ford, qui lui demandera de prendre soin de son acteur protégé. Mais Wayne s'inquiète de jouer un personnage plus âgé qu'il ne l'est et manque de refuser le rôle. Pourtant, son interprétation de Ted Dunson, idéaliste travailleur devant progressivement mégalo et antipathique, reste mémorable, et certainement un des points forts et de sa carrière, et du film.
Face à lui, un (alors) inconnu : le jeune Montgomery Clift, charismatique en diable, et presqu'à même de voler certaines scènes au Duke. L'équipe est complétée par le toujours fort amusant Walter Brennan, contre point comique au récit, et narrateur dans la version raccourcie du film, version préférée de Hawks.
En effet, lorsque le film sort en salles, c'est dans un montage de 2h13, dont la narration se fait en suivant la lecture d'un livre, sorte de journal de bord de l'équipée. Sauf que cette narration est lourde, les pages du livre trop chargées par rapport au temps à l'écran, et tout cela contribue à allonger le rythme du film. Hawks avouera lui même ne jamais avoir compris d'où sortait ce montage, plus proche pour lui du workprint que de la version définitive, et il refera quelques coupes sur des plans qu'il estima ratés (comme cette cavalcade ridiculement cheap car tournée de manière flagrante sur des chevaux mécaniques), changeant notamment du tout au tout la narration, maintenant faite en voix off par le personnage interprêté par Brennan.
Au final, La rivière rouge est un western résolument adulte, loin du divertissement d'aventures léger qu'on peut parfois trouver dans le genre. Dunson est impitoyable au point de chercher à tuer celui qu'il aura quasiment élevé. Têtu, déterminé, il n'hésite pas non plus à abandonner sans regrets sa compagne dans les 1eres minutes du film, et ce n'est pas sa tragique destinée qui le fait particulièrement changer d'avis sur ses plans. Aucun répit, aucun repos, aucune pitié. Hawks n'hésite pas à lui mettre tout le monde à dos et à en faire un boogeyman pathétique dans la 2e partie du film.
Au milieu de tout cela surnage tout de même un des points faibles du film : le personnage de Tess Millay, joué par Joanne Dru. Le personnage n'est pas particulièrement mal écrit, mais reste assez plat, mais surtout, n'a pas été écrit pour Joanne Dru à la base, et elle a beaucoup de mal à en faire la femme forte et dure qu'elle devrait être. Et quand elle se met à déverser sa rage face à nos 2 héros en fin de film, tournant leur duel en farce, elle manque cruellement de force, et semble plus se forcer qu'autre chose.
Heureusement, la fin, prévue pas Hawks comme un joli happy end, lui qui en avait marre de tuer ses héros à la fin de ses films, n'en sera pas trop amochée, et ne saura amoindrir la force et la qualité globale du film, oeuvre épique et réaliste, mais toujours résolument humaine.
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