Échapper au cliché du film chiant par - la mise en scène

Bienvenue dans une double critique intitulé : "C'est pas parce que c'est un film français qui parle d'histoire de trentenaire parisien, que c'est forcément nul." Après le cas, 2 Automnes, 3 hivers celui de La Science des Rêves.


C'est sans doute la troisième fois que je vois ce film, mais c'est la première fois que je le vois en amoureux. (J'étais allé voir ce film avec mon père la première fois ce qui est loin d'être sexy. Toutefois, il m'a appris des détails techniques sur les machines à photocopie vues dans le film et ça, c'était sympa.) Du coup, j'ai déjà vu l'édition DVD, la "version B" et les explications de Michel Gondry qui raconte un peu la genèse autour de ce film et à quel point celui-ci est vraiment basé sur une histoire qu'il a vécu à une époque (au point où ça en devient un poil génant mais on va dire qu'on a rien vu.)


Mais après tout, c'est pas parce que Gondry tente d'exorciser une histoire qui s'est mal passé avec une ex que c'est forcément mauvais. Je crois surtout qu'un reproche fait à ce film, c'est qu'il est arrivé juste après Eternal Sunshine, qui part sur des prémices similaires (une histoire sentimentale au milieu des rêves) mais dont le processus créatif et le fond est complètement différent : Eternal est un film collectif (c'est un scénario de Charlie Koffman sur une réalisation de Gondry) et La Science des Rêves est un film intimiste : ça se déroule à Paris, dans une période un peu formica-punk et mettant en scène deux trentenaire qui se tournent autour, tentent de se comprendre et n'y arrivent pas. Et dont l'une est Charlotte Gainsbourg. (J'en vois qui fuient à la lecture du pitch)


Et encore une fois ce qui peut paraître cliché et chiant est détourné, ici par l'esthétique. Gondry se fait plaisir notamment par les rêves de Stephane, qui sont des délires créatifs comme il aime les mettre en scène : stop motion, création d'objets chelous (la voiture en carton, les objets en feutres, etc...) jeux d'acteurs par dessus des projections, pellicule passé en arrière, tournage dans des lieux insolites ce qui crée un décalage (urbex, grotte, studio en carton) etc... De plus, c'est un véritable film sur le rêve qui reproduit les différents état qu'on a dans les rêves : le fait de revoir des personnages connus, le rêve où l'on sait qu'on est dans un rêve, le délire érotique avec une personne rencontré dans la journée, le fait de changer de chaine et de tomber sur le même programme, etc....


Le film possède un charme intimiste semblable à celui des chambres de bonne en hiver : ça sent le pull en laine, le patchouli, la guitare feutrée (omniprésente dans la B.O. ) et le bricolage. Le film est une ode au bricolage créatif et arrive à raconter ce moment de "coup de foudre créatif" où tu te sens vraiment en connexion avec une personne : tu as les même idées, les même délires, tout semble simple. Hélas, en dehors de ces moments de créations, les deux personnages n'arrivent jamais à se comprendre ni même à savoir s'ils s'aiment ou pas. Une incompréhension amplifiée, elle aussi, par le fait que les deux personnages parlent tout les deux un langage qui n'est pas le leur à l'origine. (Il est espagnol, elle est française, ils parlent anglais.)


En ce sens, Charlotte Gainsbourg est vraiment très bonne dans ce rôle puisqu'elle n'a pas un physique parfait mais dégage un certain charme avec ses créations et ses pulls un peu hippie. Idem pour Gael Garcia Bernal qui sait jouer l'étranger un peu perdu aux yeux de chats tristes et auquel on pardonne parfois d'être un peu creepy. Idem, le film raconte comment une idée qui nous semble totalement romantique peut paraitre TOTALEMENT creepy et stupide


Stephane s'introduit chez Stephanie pour bricoler son cheval en ajoutant un circuit permettant de le faire marcher et lui faire la surprise du moment où elle le verra bouger tout seul... sauf qu'elle apprécie (et ça se comprend) mal l'idée qu'il s'introduise chez elle.


Hélas, le film est parfois un peu énervant dans son côté "errance amoureuse" notamment sur sa fin où l'on ne sait plus trop si Stephane a besoin de se faire soigner psychologiquement, s'il a un mélange de narcolepsie et de somnambulisme ou s'il ne sait pas ce qu'il veut. On sent aussi (notamment quand on a vu les deux versions du film) que Gondry lui même ne sait pas et qu'il tente de retranscrire les errances des personnages au lieu de comprendre ce qui les motive. Même moi j'ai du mal à comprendre Stephane, notamment pourquoi il est soudainement méchant avec Stéphanie à la fin du film, lui balançant des remarques à la con tout en essayant de la draguer.


Du reste, je me rend compte que j'ai été motivé pour revoir ce film non seulement par l'arrivé de l'hiver, mais par le fait de revoir le Burger Quizz à la télé. En effet, Alain Chabat est parfait dans ce film avec un rôle de collègue de travail obsédé du cul, qui fait des blagues relou mais qui à un bon fond. La scène où il s'engueule avec Stephane est géniale : ("Your Mother won't covering your ass, because this office is putain de chiant.")


Bref, même si ce film me plonge à la fin dans une profonde tristesse (notamment la scène finale de rêve très mignonne en décalage avec une réalité qui se passe mal) je l'aime énormément.


PS : Là encore, les deux éclaireurs qui ont filés une sale note à 2 Automnes 3 hivers on mis des notes passables à ce film. Pourquoi je suis ces mecs ?

le-mad-dog
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le 2 oct. 2018

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Mad Dog

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