Remettons les choses dans son contexte. Été 2016, je suis moi-même échoué dans la ville d'Angers, bercé par ce qu'on appelle là-bas la douceur angevine. Je me dirige vers un petit cinéma de quartier pour passer le temps. Je regarde les séances disponibles, j'ai le choix entre Suicide Squad et un film d'animation nommé la Tortue rouge.
Je lis vaguement le résumé, Un homme échoué sur une ile déserte va tenter de s'échapper de cet prison mais ses multiples tentatives vont échouer du fait d'une énorme tortue rouge. Jusque là rien d'incroyable ou de trépignant. Ah et le film est fait sans paroles...
Peu emballé je décide tout de même d'aller me faire ma propre idée, surtout poussé par le manque d'envie de voir la bande de Jared Leto me gâcher mon après-midi.
Début de film à la Robinson Crusoé, avec le héros comme seul survivant d'un naufrage au large d'une Ile paradisiaque. Et dès les premières minutes le film frappe par la beauté et la simplicité des dessins.
On ressent tout de suite l'apport du studio Ghibli à l'équipe de production.
L'Homme avec un grand H se retrouve coincé face à la nature et au temps. Le fait qu'il ne parle pas, (ses seuls interactions étant des cris de détresse ou de desespoir) et son manque de personnalité propre nous permettent de nous voir en lui et de souffrir avec lui. Avec lui nous ressentons la différence de texture du sol de la forêt de Bambous, de la plage de sable fin ou de l'eau claire du Lagon. Avec lui nous souffrons de la soif et nous sentons sauvés au moment de la pluie et surtout avec lui nous ressentons cette incroyable solitude appuyée par ce silence qui caractérise certains passages du film.
Le film se divise en plusieurs éventements majeurs. Tout d'abord, le naufragé, qui, cherchant à quitter l'Ile voit tous ses projets réduits à néant par une énorme Tortue rouge. Cette Tortue renvoie à la question du temps et de l'éternel recommencement et de l'Homme face au temps. Elle représente le côté immuable de la Nature et une échelle de temps tellement différente de celle d'une vie humaine.
Le film va être ponctué par deux autres apparitions qui vont changer l'échelle de temps et de priorités de notre héros échoué qui au départ ne cherche qu'à quitter cette Ile de malheur... Mais n'en disons pas plus.
La bande son de Laurent Perez Del Mar que j'avoue, je ne connaissais pas, accompagne parfaitement ce monde étranger et nous fait ressentir le monde dans lequel évolue le héros.
Au final la Tortue Rouge oscille entre un tableau et un poème et nous questionne sur la place de l'Homme face à la nature et au temps qui passe.