Unique film réalisé par Brando. Sa nuit du chasseur pourrait-on dire, car cette tentative d'acteur de passer derrière la caméra est nettement réussie. Du choix du casting à l'aisance technique des cadres en passant par la photographie. Pina Pellicer (sorte de Romane Borhinger mexicaine qui par son suicide à un âge prématuré la place comme la Marylin Monroe de son pays) et Katy Jurado (autre légende mexicaine) sont impeccables de flamboyance et de justesse dans leur rôle respectif de Louisa et Maria. Elles jouent la mère et la fille alors que dans le réel les deux femmes n'avaient que dix ans d'écart.


Karl Malden est impressionnant dans son interprétation de Dad. Cet homme qui privilégie d'abord l'argent au sort d'un fidèle compagnon d'infortune, puis devient le shérif le plus honnête du monde avant que son vrai visage ne réapparaisse lorsqu'il corrige Brando en lacérant son dos de coups de fouet et en lui cassant la main droite. Ce châtiment est aussi bien motivé par le désir d'intimidation que par celui de venger l'honneur bafoué et perdu de sa fille adoptive.


A partir de ce moment clef, la respectabilité de Dad s'effrite et le vengeance de Brando est alors possible pour le spectateur. Le shérif rangé des affaires, l'homme de bien sur le tard perd définitivement son crédit.


Et puis il y a Marlon Brando, mythique comme à son habitude. Brando intransigeant entre un cœur de glace et un autre plus tendre. Fidèle à ses principes, il ne peut laisser une femme être maltraitée dans un saloon par un soûlard sans éthique. Un simple mot déplacé sur sa dulcinée par un traîne savate de sa bande de malfrats peut le mettre dans un état de colère extrême. Je n'ai jamais vu un acteur balancer une table à travers une pièce avec une telle violence. Sa vengeance devait être d'airain mais l'amour la tempérera. Malheureusement les circonstances tournant mal il devra malgré lui accomplir son destin.


Pour conclure, une pure tragédie grecque déguisée en western avec un héros qui traîne sa mélancolie comme un errant mystique. Brando y est sublime, une préfiguration de ce que sera Eastwood dans la trilogie du dollar. Une preuve supplémentaire qu'un grand acteur peut réaliser un bon film contrairement à ce qu'en dit l'idée reçue.


                        Samuel d'Halescourt

Créée

le 27 févr. 2019

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