Critique de La vie d'Adèle


Au sortir du visionnage de ce film, je me sens bien mal à l'aise. Non pas du fait de l'enchevêtrement de corps qui conduit le film, et encore moins du fait qu'il s'agit ici de deux corps féminins. Je suis mal à l'aise parce que je me suis profondément ennuyé, alors qu'on m'annonçait La vie d'Adèle comme un film coup de poing.
Pour accrocher à une œuvre, plusieurs critères peuvent être invoqués, et je crois être particulièrement sensible à l'identification et à la profondeur des réflexions, le fait que ça « fasse penser ». Avec La vie d'Adèle, ce n'est pourtant pas du côté du manque d'identification que je crois pouvoir expliquer ma déception. Certes, il s'agit de la vie sentimentale d'une jeune femme éprise d'une autre, mais n'importe qui doit pouvoir assez bien se retrouver dans la sphère du cœur et du sentir. D'accord, mais où voulait-on m'amener ? Quels chemins de pensées et de réflexions voulait-on m'ouvrir ? Que devait provoquer en moi cette vision directe, pure, charnelle, la vision de cette quête sensible et absolue ? J'ai plongé dans la vie d'Adèle, j'ai trouvé sublime ses mouvements, ses expressions et sa fragilité, de cette sublimité permise par ce qui fait sens et dans le même temps dépasse : le corps d'une femme qui s'offre bien à être essentialisé. Mais je l'ai fait sans délectation, et même rapidement avec ennui.
Pourtant, le début du film me semblait encourageant. Rythmé, du rythme de l'aventure adolescente et lycéenne, il plonge le spectateur dans le thème de la définition de soi, avec le cadre intellectuel sartrien (dépoussiéré pour l'occasion) de l'existentialisme. Non, pourrait-on dire avec Sartre, Adèle n'est pas une salope. C'est à dire qu'elle ne fige pas sur elle les définitions que les Autres sont toujours prêts à calquer, de même qu'elle ne semble pas s'accoler irrémédiablement une étiquette avec laquelle elle tenterait de coïncider de tout son être . La définition ne semble jamais définitive.
Adèle se découvre et s'assume dans sa relation avec Emma. Elle n'est pas tant lesbienne qu'elle s'expérimente comme telle dans une relation alchimique à Emma. C'est en tout cas ce que je comprends de la première partie du film, et pour l'instant, je ne m'ennuie pas trop.
Mais depuis les longues séquences de scènes sexuelles jusqu'à la fin du film, je ne trouverais plus rien qui puisse véritablement m'embarquer. Je trouve qu'Adèle joue très bien, mais dans une cour de banalités. Certes, la scène de rupture est assez remarquable, et le spectateur est à même de ressentir dans son corps la souffrance infinie de deux corps qui se séparent, puisqu'il évolue depuis longtemps maintenant dans la corporéité. Mais personnellement, j'ai déjà décroché, sans doute aussi parce que je suis peu sensible à ce qui s'essaie à magnifier les tribulations d'une vie de couple. Si bien qu'au bout d'un moment, et même si je reconnais qu'Adèle me semble bien jouer, je devenais même exaspéré des longues scènes où nous la voyions pleurer de son amour perdu et de son corps malheureux.

Kevin-1677
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le 3 mars 2018

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