Derrière ce titre mordant accompagné d’une affiche vertigineuse se cache un film de zombies pas tout à fait comme les autres. Déjà parce que c’est français – sans chauvinisme, ça fait 6 ans depuis la Horde qu’on n’avait rien eu de notable sur le sujet dans nos vertes contrées – ensuite parce que, tout en respectant la majorité des codes du genre, son réalisateur Dominique Rocher a suffisamment d’idées que pour faire du neuf avec du mort.


La nuit a dévoré le monde est une adaptation libre du roman éponyme de Pit Agarmen (anagramme de l’écrivain Martin Page), à la base une sorte de journal de bord d’un survivant misanthrope à une apocalypse mort-vivant enfermé dans un immeuble parisien. Dans la version ciné, pas de journal ni même de voix off pour partager les pensées de Anders Danielsen Lie mais un jeu d’acteur au cordeau sur le rôle de l’écorché vif dans sa prison haussmannienne cernée par les morts que le personnage va devoir s’approprier pour survivre, au péril Z d’abord mais aussi et surtout à la solitude qui vient ensuite. On retrouve un peu de Je suis une légende (et des deux adaptations précédentes d’Omega man) et beaucoup de Seul au monde dans la robinsonnade horrifique en milieu urbain de notre héros.


L’esthétique de l’enfermement est explorée avec soin par un cadrage serré où le hors champs n’est que menace, la caméra sait quand alterner moments de grâce et coup de flippe bien senti. Une certaine science du plan soigné qui fait plaisir et du montage qui fait mouche en coupant trop tôt une ombre qui passe ou en étirant la traversée d’un couloir : classique mais terriblement efficace. Si la découverte de l’immeuble fait penser un moment à Rec, le film trouve vite son originalité en explorant son concept de base jusqu’au bout, mêlant ellipses et délires liés à l’isolation pour imprimer un mouvement constant à son histoire en ligne droite. Angle d’attaque original au film de zombie d’ailleurs, qui propose ainsi de sacrées idées visuelles pour des scènes assez inédites dans un genre dont on pensait avoir déjà fait trois fois le tour, le plus marquant restant toutefois les simples moments de calme où la vile absolument silencieuse devient glaçante.


C’est la force de la nuit a dévoré le monde, sa gestion du vide, le minimalisme du propos, du cadre, de la musique, uniquement diégétique, des enjeux (trouver à bouffer/pas se faire bouffer), où tout ce qui y est introduit prend de suite une importance considérable. S’il manque au film un brin d’originalité, surtout dans son dernier acte, pour se détacher vraiment de ses prédécesseurs, cela ne nous empêchera pas de le conseiller haut et fort aux amateurs et même aux néophytes de l’horreur pour peu qu’ils soient amateurs de propositions de ciné qui savent ce qu’elles font et qui le font bien.

Cinématogrill
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le 7 mars 2018

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