Là où poussent les coquelicots par Christine Deschamps

En matière de Grande Guerre (les guerres ne sont jamais grandes!), Tardi est la référence graphique incontournable, celle qui devance toutes les autres, sur les rayons de nos bibliothèques comme dans ce documentaire. Le gars est attachant et palpitant à écouter. Et ce ne sont pas ces interviews-là qui vont nous dissuader de relire ses sommes pharamineuses inspirées de la vie de son grand-père. Mais ce petit film va au-delà de l'hagiographie habituelle et part à la rencontre de dessinateurs plus jeunes, aux styles graphiques bien marqués, qui eux aussi se sont penchés sur les charniers coupables de ce massacre de masse commandité par des messieurs en redingote ou à médailles ostensiblement épinglées à leur plastron, restés bien à l'arrière des champs de bataille. Et l'attention portée par le réalisateur aux cicatrices laissées dans les paysages autour de Verdun n'est pas la pire idée de son documentaire... aujourd'hui, les tranchées continuent à zigzaguer à flanc de colline, mais une herbe riante les a colonisées. Les artistes qui ont plongé leurs pinceaux dans une gamme infinie de bruns et de gris pour dépeindre l'ambiance des tranchées s'étonnent à chaque fois devant la ténacité de la nature, capable de masquer nos entreprises les plus délétères pour peu qu'on lui en laisse le temps. L'un des dessinateurs, auteur de La mort blanche, revient même sur l'usage que les armées faisaient des avalanches, pensant mettre la montagne en coupe réglée pour anéantir les troupes ennemies. On aurait dû s'arrêter là; le spectacle de notre folie collective aurait dû nous convaincre de tourner notre regard vers l'intérieur et de commencer à soigner nos failles mortifères. Mais non, on a creusé encore davantage le sillon de dévastation qui est le nôtre, à une échelle chaque fois plus grande. Heureusement, les artistes sont encore capables parfois, pour les meilleurs d'entre eux, de poser un regard distancié et neuf sur nos carnages gratuits, notre naïveté va-t-en-guerre et nos soumissions coupables. Rien que pour ça, ce documentaire mérite notre attention. En prime, on les voit dessiner, et ça, c'est toujours fascinant.

Créée

le 8 nov. 2018

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