Hiver 1978. Frank (Guillaume Canet) est un gendarme sans histoire. Bon élément, il ne fait pas de vagues. Avec ses collègues, il enquête sur celui que l'on surnomme « le tueur de l'Oise ». Un individu qui prend en stop des jeunes filles pour leur tirer dessus avant de les abandonner sur le bord des routes. Jusqu'ici, rien de bien surprenant... Si ce n'est que Frank n'est autre que « le tueur de l'Oise ».


La prochaine fois je viserai le coeur est donc une véritable plongée dans un esprit malade. Pour son troisième film Cédric Anger lève le voile sur l'histoire vraie d'Alain Lamare. L'homme est un mystère laissant derrière lui des jeunes femmes meurtries. Il ne les bat pas, il ne les viole pas, mais il ne cherche qu’à soigner sa propre souffrance en leur faisant mal tout en regrettant ses actes. Rebaptisé Frank pour les besoins du film, le personnage est campé par un Guillaume Canet en grande forme: le comédien offre toute l'étendue de sa palette de jeu. Et il le fallait pour se glisser sous les traits d'un véritable schizophrène.


Gendarme, Frank enquête le jour sur ses propres méfaits. Il se traque lui-même, n'hésitant pas à se qualifier de salaud. Le reste du temps, il libère le monstre qui sommeille en lui. Le spectateur ne comprendra jamais l'origine de ses traumas. Pourquoi se flagelle-t-il ou s'entaille-t-il le bras avec du fil barbelé ? Est-ce parce qu'il se sent rabaissé ? Est-ce un traumatisme de l'armée ? Les questions sont nombreuses et les réponses le sont moins. D'autant que l'on voit dans le même temps un Frank en grand frère attentionné ou tentant de construire une relation avec Sophie (touchante Ana Girardot). On se retrouve alors, comme elle, à jongler entre empathie et dégoût envers ce personnage et ce qu'il fait, à savoir notamment envoyer la description de ses actes à la gendarmerie. Se sachant incapable de s'arrêter, ses déclarations violentes ne sont en réalité que l'appel au secours d'un homme suppliant qu'on l'arrête.


Adoptant le point de vue du tueur, le long-métrage est une glaçante reconstitution du parcours d'un serial killer unique. En jonglant sur la dualité de Frank et grâce à une mise en scène à la beauté froide, La prochaine fois je viserai le cœur est un film noir à l'image de son triste héros : captivant, déroutant et dérangeant.

Breaking-the-Bat
7

Créée

le 14 juil. 2021

Critique lue 42 fois

Valentin Pimare

Écrit par

Critique lue 42 fois

D'autres avis sur La Prochaine fois je viserai le cœur

La Prochaine fois je viserai le cœur
eloch
3

Dans la brume électrique

Voilà que le cinéma français adapte à nouveau un fait divers après Vie sauvage de Cédric Kahn. Dans La prochaine fois je viserai le cœur, Cédric Anger s’intéresse non pas à un père qui fuit la...

le 23 nov. 2014

24 j'aime

12

La Prochaine fois je viserai le cœur
Gand-Alf
8

Derrière l'uniforme.

Entre le cinéma français et les affaires criminelles sentant bon le terroir, c'est un peu une histoire d'amour qui s'éterniserait jusqu'à plus soif, en gros jusqu'à la rupture, le divorce et la garde...

le 6 nov. 2015

23 j'aime

6

Du même critique

Deux moi
Breaking-the-Bat
7

Deux moi : Le ça, le moi et le surmoi de Klapisch

Figure majeure du cinéma français, Cédric Klapisch connaissait depuis quelques films une petite baisse de régime. Lui qui a toujours su filmer la jeunesse, il lui fallait peut-être passer à une...

le 14 juil. 2021

1 j'aime

Nicky Larson et le Parfum de Cupidon
Breaking-the-Bat
4

Nicky Larson & le parfum de Cupidon : Un bon petit coup

Attendu et redouté, le Nicky Larson & le parfum de Cupidon revu sauce hexagonale par Philippe Lacheau est enfin dans les salles. Si l’on pouvait craindre le résultat, ce dernier s’avère, certes...

le 17 févr. 2019

1 j'aime

Vice
Breaking-the-Bat
8

Vice : Quand la politique est bonne (bonne bonne bonne)

Après The Big Short, Adam McKay poursuit son virage de la comédie grasse vers la comédie satirique et politique avec la volonté (et le plaisir) évident(e) de venir taper là où ça fait mal. Le...

le 17 févr. 2019

1 j'aime