Labyrinthe
6.4
Labyrinthe

Film de Jim Henson (1986)

Il paraît que David Bowie a fait du cinéma. Et j'aime bien David Bowie. A part une brève apparition dans "Fire Walk With Me", je n'ai pas vu grand chose du chanteur sur pellicule. Du coup, quand j'apprends qu'il a fait le méchant dans un métrage où l'on voit aussi Jennifer Connelly, je décide de me mater ça. En plus, c'est en plein dans les années 80, où l'on avait ni peur du ridicule, ni peur des projets un peu bizarroïdes, ni peur de grand chose au cinéma, en fait. Mais c'est surtout l'époque où l'on aime encore les marionnettes et l'on découvre tout juste ce qui en sera pourtant la Némésis la plus puissante : les CGI. C'est assez amusant, d'ailleurs, parce que tout le film est une ode aux monstres manufacturés... mais s'ouvre sur une chouette en image de synthèse. Qui se permet un hululement très funeste sur une chanson de Sieur Bowie. Quelque part, n'importe quel esprit sain aurait compris que c'était un fort mauvais présage...

Jennifer Connelly, donc, du haut de ses seize printemps, est ce qu'on appelle une cosplayeuse acharnée et avant l'heure. Elle passe ses journées dans le parc, déguisée en princesse, à déclamer les vers de son conte préféré, "le Labyrinthe". Mais à seize ans, il y a mieux à faire, forcément. Cela dit, on est pas chez Araki et du coup, la pauvre Jennifer se rend compte qu'elle est à la bourre et comme si ça ne suffisait pas, il lui tombe dessus une pluie battante aussi soudaine que bien concentrée sur elle, au point qu'on se demande si le réalisateur n'avait pas en tête un concours de t-shirt mouillé un poil en avance de quelques années sur la légalité. Passons donc ces détails triviaux, la jeune demoiselle se voit désignée volontaire pour une soirée baby-sitting avec son demi-frère, petite créature gueularde qui use rapidement sa patience. Pour s'en débarrasser, elle décide de lancer une formule magique invoquant le Roi des Gobelins pour qu'il le kidnappe. Elle avait hésité entre ça et répéter trois fois "Beettlejuice", voire "Candyman". Bref, David Bowie apparaît, roi des gobelins, donc, et attrape le marmot. Il promet à la belle de le garder et s'enfuit. Elle, comprenant qu'il s'agit là de trafic de bébés et que c'est pas spécialement glop, décide de retrouver le couffin en traversant le Labyrinthe qui la sépare du château où l'enfant est retenu.
Comme on s'en doute, ça va surfer droit sur la corde la plus enfantine de notre cheptel : à la façon d'une histoire sans fin ou d'une Alice, toi, l'adulte qui entre ici, abandonne tout cynisme. Cela dit, une fois le cynisme un peu mis de côté, il y a plein de trucs qui fonctionnent super bien : les créatures sont toutes chouettes, vraiment. Il n'y a pas un truc qui a l'air raté, que se soit dans son design ou dans sa réalisation formelle. Et même, il y a des créatures vraiment cool, comme les mains qui parlent ou la "Junk Lady", qui était assez classieuse. Voire même le vieillard et son chapeau parlant. Ou encore le chevalier sur son lézard. Ouais, en fait, difficile de faire le tri, mais d'un autre côté, on est chez Henson et le bougre est vraiment au top en la matière. C'est presque dommage qu'il y ait des êtres humains pour tout foirer ! Jennifer Connelly est certes jolie, elle n'en hurle pas moins pendant un bon tiers du métrage et chier que Bowie a l'air de cabotiner. C'est d'autant plus bizarre qu'il a l'air de s'éclater, mais après avoir fumé un énorme joint. Difficile de dire s'il prend tout ça au sérieux.
Bon, après, il y a le souci qui m'ennuie avec ce genre de films : c'est qu'une longue série de sketchs avec un fil rouge qu'on nous répète, dans un grand labyrinthe qui, ô génie, change régulièrement de forme, permettant vraiment de régler chaque séquence comme des petites histoires à part l'une des autres. Ce qui m'ennuie parce que cela donne un ton très décousu à l'ensemble. Résultats, c'est facile de piocher un instant vraiment plaisant, c'est difficile de trouver une cohérence à l'ensemble. Et, bon, ça a vieilli - encore que pas autant que des CGI qui vieillissent en six mois, je le rappelle ! il y a même des séquences un peu inutile, les fameuses transitions "marchons tous ensemble", où l'on case la fine équipe en train de se faire une course de relais. Heureusement, on a droit aussi à des passages assez coolos, comme ce moment où Jennifer est enfermée dans une boule de cristal, se retrouvant dans une sorte de réception renaissance hantée, qu'elle traverse à la recherche du Roi des Gobelins, les yeux envoûtés par la figure étrangement grimaçante de Bowie... qui lui avoue, tout à la fin, son amour. Glauque. Mais cool. Mais glauque. Mais bon, le film ne capitalise pas énormément là-dessus, donc ça va, les bonnes moeurs sont sauvegardées. Et Bowie a tout juste le temps de dire à une Connelly de 16 ans qu'il sera son esclave en échange de son amour. Oups !

Parfaitement oubliable mais pas totalement imparfait, une vraie petite lettre d'amour aux créatures cinématographiques de l'époque, ces petites choses étranges et rigolotes, qui peuplent le film d'une âme d'enfant. Une âme qui peine peut-être à se renouveler, mais qui se déclare comme tel, refusant de grandir, un peu fataliste, se sachant peut-être déjà condamnée par l'histoire du cinéma, qui lui préférera bientôt, à ses tournures drolatiques, les émoluments sans saveur du tout-CGI. A apprécier comme un dernier manifeste, une déclaration autant d'amour que d'un savoir-faire.
0eil
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le 31 oct. 2014

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