L'oisillon veut toujours quitter son nid

Si vous aimez Noah Baumbach, vous adorez déjà forcément sa muse Greta Gerwig sans qui ses plus belles réussites n'auraient pas la même saveur. Pour sa première réalisation, l'actrice adopte un style proche de son compagnon mais avec un côté plus "bordélique" et à fleur de peau indissociable de pas mal de personnages interprétés par l'actrice (et sans doute de la personne dans la réalité, on l'image sans peine). C'est d'ailleurs toute cette sensibilité atypique qui va faire le charme de cette chronique adolescente a priori semblable à tant d'autres...

En larmes après avoir écouté la version audio des "Raisins de la colère", Christine "Lady Bird" McPherson se jette de la voiture familiale en marche après s'être disputée avec sa mère. Ce sera la première vignette parfaite pour nous présenter les états d'âme vécus par cette jeune fille en pleine puberté. Persuadée que s'éloigner de son Sacramento natal pour la côte Est sera la réponse à tous les maux de sa condition sociale et familiale (l'ami Steinbeck n'était donc pas cité par hasard), Lady Bird va vivre ses premiers émois en direction de l'âge adulte au cours de sa dernière année de lycée...

Greta Gerwig nous jette de manière abrupte en quelques courtes scènes à l'intérieur du quotidien de cette adolescente, nous laissant presque seuls découvrir à quels éléments essentiels se raccrocher pour comprendre son héroïne dans cette captation rapide d'instants de vie. Mais, en réalité, avec cette fausse impression de perte de repères, miroir du chaos ressenti à cet âge où le moindre instant succinct peut avoir une densité émotionnelle insoupçonnée, se construit petit à petit un portrait de chacune des multiples facettes de son personnage principal.
Celui avant tout d'une relation mère-fille dont l'incompréhension trouve ses sources dans un manque de communication presque toujours fatal aux rares moments de bonheur mutuel partagés (le film nous montrera que leur amour pourtant bien présent ne peut même pas se passer d'un trait d'union entre elles pour être transmis), celui d'une jeune fille aveuglée par la solution facile de tout quitter alors que tout ce qui la définit est inconsciemment dans ses racines, celui d'une adolescente forcément attirée par la superficialité des apparences quitte à renier ses origines sociales ou ses amis pour atteindre de plus hautes sphères (évidemment toujours synonymes de deceptions) ou encore celui des premières erreurs sentimentales, apprentissage indispensable pour ne plus les répéter...

Sublimé par l'interprétation de Saoirse Ronan (les seconds rôles ne sont pas en reste, à commencer par Laurie Metcalf), "Lady Bird" n'évite évidemment pas quelques passages maintes fois explorés par ce type de chronique mais le naturel autobiographique émanant du film lui apporte un sentiment de vérité qui vise souvent juste, jusque dans ses derniers instants submergés par une belle vague d'émotion à laquelle il est bien difficile de résister.

La "hype-à-Oscars" entourant le film est sans doute un peu trop grande pour lui (ce n'est qu'une première oeuvre, Greta Gerwig fera sûrement encore mieux dans un avenir proche), toutefois, "Lady Bird" marque les premiers pas réussis de Greta Gerwig à la réalisation dans un long-métrage emballé avec toute la sincérité naturelle que l'on décelait dans son parcours d'actrice. Indéniablement très prometteur pour la suite d'une carrière que l'on va suivre de près...