Lady Bird (2017) 94 min. Réal. et Sc.: Greta Gerwig. Dir. Photo: Sam Lévy. Int: Saoirse Ronan, Laurie Metcalf, Tracy Letts, Lucas Hedges, Timothée Chalamet, Beanie Feldstein, Lois Smith, Stephen Mc Kinley, Odeya Rush.


2002 dans la ville de Sacramento (capitale de l’état de Californie) après le 11 septembre. Christine «Lady Bird» Mc Pherson est une adolescente de 17 ans qui se bat pour ne pas ressembler à sa mère, infirmière psychiatrique qui travaille sans répit pour garder sa famille à flot après que le père, dépressif depuis de nombreuses années, a perdu son emploi. «Lady Bird», perdue entre ses premiers ébats amoureux, veut s’éloigner de sa ville et de sa famille pour aller étudier à New York.


Lady Bird peut se traduire par coccinelle ou demoiselle. C’est le surnom que Christine McPherson s’est choisi. Il fait d’elle ce qu’elle n’est pas: une dame, un oiseau, la bête à bon Dieu qui est en anglais l’animal de la Vierge. Ce sobriquet représente tout ce qu’elle veut quitter: la virginité, l’école catholique et ses sacrements, Sacramento, sa ville natale mortifère.


La cinéaste, native aussi de cette ville, évoque une citation de la romancière Joan Didion, née aussi là en 1934 :« Quiconque parle d’hédonisme californien n’a jamais passé Noël à Sacramento.» La Californie n’est pas le paradis qu’elle représente pour beaucoup.


Le film est construit en courtes séquences. Les changements de ton sont nombreux. Il s’ouvre sur Lady Bird et sa mère qui rentrent chez elles après une visite à la faculté proche où la jeune fille va s’inscrire. Toutes les deux pleurent en écoutant la fin du roman de de John Steinbeck, « Les Raisins de la colère » (1939). C’est un moment de communion plutôt rare. En effet, elles ne cessent de s’affronter tout au long du film. Ces deux femmes sont pourtant assez semblables. Greta Gerwig affirme: «Les Raisins de la colère est pour moi une œuvre majeure qui m’a aidée à comprendre la Californie, et l’origine de la plupart des gens qui peuplent l’univers de ce film. C’est sûrement aussi l’histoire de la famille de Lady Bird. Sacramento se situe dans une vallée agricole où de nombreux fermiers se sont exilés pendant la Grande Dépression ».


La plupart des personnages sont attachants. Christine cherche à fuir sa ville, sa famille comme beaucoup d’adolescents de 17 ans. Marion, la mère, tient la famille à bout de bras. L’affrontement entre les deux femmes constitue le centre du film. Le père, lui, lutte depuis des années contre la dépression comme le père Leviatch, l’animateur du groupe de théâtre. La différence entre les classes sociales apparaît nettement. Les difficultés économiques ne sont pas gommées comme souvent dans le cinéma américain ou français. Christine envie les autres jeunes qui ont ce qu’elle n’a pas. Sa famille habite du mauvais côté de la voie ferrée.


Christine réussira à intégrer une université de l’Est et bénéficiera d’une bourse et de l’aide de ses parents. L’épilogue du film a lieu donc à New York. Lady Bird redevient Christine et laisse un message sur le répondeur de ses parents. Elle ne perçoit la beauté des choses que quand elles ne sont plus là. Le cercle est bouclé.


Saoirse Ronan, Laurie Metcalf, Tracy Letts, Lucas Hedges, Lois Smith, Stephen Mc Kinley sont d’excellents acteurs. Lois Smith, qui intreprète avec humour le rôle de Soeur Sarah Joan, jouait déjà dans A l’Est d’Eden (1955) d’Elia Kazan. Elle suggère à Christine que l’attention que l’on prête aux êtres, aux choses, au réel, est une forme de l’amour. On peut penser à la philosophe Simone Weil qui dans La condition ouvrière (1937) dit :
« Ce n’est pas vainement qu’on nomme attention religieuse la plénitude de l’attention. La plénitude de l’attention n’est pas autre chose que la prière. »


Filmographie de Greta Gerwig:
2008: Nights and Weekends (co-réalisé avec Joe Swanberg)
2017: Lady Bird

ClaudioF
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le 5 avr. 2018

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