Laurence Anyways: Merci Dolan!

Il y a certains films qui, à certains moments de votre vie, ravivent en vous la flamme d'une créativité enfouie, procurant de telles émotions qu'il serait impossible de rester indifférent après leur visionnage. Et Laurence Anyways en fait partie. En tant qu'étudiant en cinéma qui se pose souvent des questions ciné-existentialistes du type: "Pourquoi vouloir faire du cinéma?", "Que puis-je apporter au septième art?" ou encore "Quel est le style esthétique de mon cinéma?", ce film de Xavier Dolan a su insuffler en moi une dose d'énergie et de motivation que je peinais à trouver dans d'autres films actuels - les derniers en date étant La Visite de la Fanfare de Eran Kolirin et plus récemment Holy Motors de Leos Carax.

Laurence Anyways c'est l'histoire d'un homme et d'une femme qui s'aiment plus que tout. L'histoire d'un homme qui en réalité est une femme et qui aime une femme qui en réalité (et malgré les moments intenses de dispute et d'incompréhension entre-eux) fera tout pour accepter que son homme soit une femme dans un corps d'homme. L'histoire d'un homme qui - à trente ans - décide de devenir (et donc d'assumer) qui il / elle a toujours été, malgré les préjugés, les normes, les regards et critiques que portent bon nombre de personnes dans les années quatre-vingt-dix... et encore aujourd'hui.

Un vrai film dont l'esthétisme m'a autant marqué que les scénarios qui sont simplement magnifiques et qui me donnent un sacré coup de pied aux fesses en tant qu'amoureux de la langue française et de l'importance des (bons) scénarios dans une oeuvre cinématographique. J'ai aimé les différents plans qui n'ont été choisis par hasard; tout est pensé et travaillé. Les cadrages, les mouvements de caméra, les effets de ralenti, les flous... sont les résultats d'intentions de réalisation qui voudraient faire ressentir - grâce aux techniques cinématographiques - une sensation. C'est exactement ça le cinéma: l'emploi ingénieux de ce qu'apporte cet art (en plus de ce qu'est la vie/le monde comme nous la vivons/voyons tous les jours) afin de provoquer quelque chose chez un spectateur. J'ai souvent omis cette notion, tentant dans mes courts-métrages de me reposer un peu naïvement sur le pouvoir d'une histoire qui tiendrait la route et de dialogues (jamais bons, de surcroît), oubliant qu'être cinéaste c'est avant tout faire du cinéma et non du théâtre filmé.

J'ai particulièrement aimé les musiques choisies dans ce film qui servent réellement à chaque scène dans lesquelles elles sont employées.

A cette maîtrise - incroyable pour son âge - des techniques cinématographiques, des dialogues et du bon goût musical, vient s'ajouter un casting d'acteurs qui ne peut que ravir tout un chacun. Melvil Poupaud est décidément un grand acteur, de ceux qui savent - pourtant très sobre dans ce rôle - faire vivre au spectateur une situation par la force d'un regard et de mimiques. Suzanne Clément, quant à elle, est vraiment excellente; son personnage est des plus intéressants et la répartie dont il fait part est jouissif à écouter.

Cependant, il y a deux points sur lesquels je n'ai pas été convaincu; le premier (peut-être paradoxal) concerne justement le casting. Je ne suis simplement pas persuadé que chaque personne de notre entourage, faisant partie de notre quotidien donc, soit aussi excentrique et fasse preuve d'une répartie verbale des plus riches, comme TOUS les personnages de Laurence Anyways qui sont intenses, intéressants et - je le répète - jouissif à regarder. Oui, je sais, je cherche la petite bête.
Le deuxième point sur lequel je suis un peu réticent est que, bien que Dolan s'efforce à réaliser chaque plan comme un peintre peindrait une toile (c'est-à-dire avec précision, créativité et ingéniosité), je trouve qu'il n'a pas de style propre à lui. Je retrouve même un peu de Almodovar dans Laurence Anyways à deux moments ce qui, au final, rejoint ce que j'écrivais plus haut: Xavier Dolan a du goût! Plus sérieusement, aucune scène de ce film ne ressemble à la suivante ou à la précédente, l'on ne retrouve pas de "patte Dolan" qui n'existe donc pas selon moi. Le problème est qu'il n'est pas reconnaissable (sans doute parce qu'il est jeune?). Ajoutons aussi que certaines scènes ressemblent à des clips musicaux et que cela apporte davantage une esthétique léchée à ce film.

C'est un film bouleversant - oui, j'ai versé une larme (discrètement car j'étais accompagné). C'est un film travaillé, léché. C'est un film dont le jeu d'acteurs est transcendant. C'est un film qui dénonce pas mal les préjugés et qui en réalité s'en fout pas mal. C'est un film qui donne de l'énergie (malgré les trois heures de sa durée) et qui vous fera ressentir un sentiment de jouissance si vous êtes cinéphile ou juste si vous avez du goût.

BREF, J'AI ADORE LAURENCE ANYWAYS!