Dans la longue liste de cinéastes poisseux, dominé de la tête et des épaules par notre bon vieux Terry Gilliam, qui voient tous les projets - ou presque - qu'ils touchent tomber généralement à l'eau; force est d'avouer que le nom du jadis intouchable Steven Spielberg faisait sacrément tâche depuis quelques mois.


Entre ses déconvenues au pluriel avec les majors Hollywoodiennes (les annulations de Gods and Kings, son biopic sur Moise, ou encore Robocalypse) ou même à son tempérament un brin tatillon (American Sniper, finalement échoué à Clint Eastwood), le papa de E.T. ne semblait plus vraiment capable de développer un long sans que celui-ci ne soit frappé par la poisse, mais surtout que celui-ci se voit heurter par les nouvelles conventions d'une cité du cinéma dans laquelle il ne se reconnait - peut-être - plus (et comme il se plait à le dire dans de nombreuses interviews depuis quelques années).


Un constat assez effrayant sur la condition du cinéma ricain actuel, qui quand il ne se complait pas dans une redite affolante (reboots, remakes, prequels, suites bonjour), boycotte littéralement ses plus grands maitres et orfèvres de la pellicule.


Fort heureusement, toute cette épopée malchanceuse - pour être poli - s'est clôturée de la plus belle des manières en décembre dernier avec le magistral Le Pont des Espions, faux film d'espionnage mais vraie mise en image d'un conflit majeur de la WWII; une chronique passionnante questionnant constamment son spectateur sur le sens du patriotisme, de l’extrémisme sécuritaire (la notion d'espionnage et de surveillance de la population, dont la folie des moyens mis en œuvre résonnent douloureusement avec l'actualité) et de l'engagement aussi personnel (même si on reconnait par-ci, par-là quelques dialogues fabuleux signé par les Coen) que critique et d'une densité incroyable.


Un must-see évident joliment enlacé entre les cinémas de Capra et - surtout - Hitchcock, pour lequel Mark Rylance, intronisé depuis comme le grand acteur chouchou du cinéaste, a obtenu l'Oscar du meilleur acteur dans un second-rôle; au nez et à la barbe de l'inestimable Sylvester Stallone.


Plus en forme et occupé de jamais, Spielby nous revient donc en ce début de l'été avec l'une des plus grosses attentes de 2016, Le BGG - Le Bon Gros Géant, ou l'adaptation du roman pour enfant homonyme de Roald Dahl, scripté par feu Melissa Mathison (déjà derrière le script de E.T.), produite par Disney et toujours dominé par Rylance.


Après le Spielberg sombre et engagé, voilà le Spielberg conteur pour enfants qui fait son grand retour sur le devant de la scène, quinze ans après le mitigé A.I. - Intelligence Artificielle, avec cette histoire enchanteresse d'une petite orpheline londonienne, Sophie, qui se fait enlever une nuit par un géant au grand cœur.
Ensemble, ils vont entamer un long voyage vers le nord du nord du Royaume-Uni, et dans leur quête d'offrir des rêves idylliques à tous les enfants endormis, ils devront faire face à d'autres géants bien plus massifs qui eux, désirent fortement faire de ceux-ci, leur repas...


Véritable retour aux sources d'un cinéma plus populaire et tourné vers l'enfance, assumant pleinement sa gémellité avec Hook (jusque dans ses défauts) mais surtout avec le cinéma du cinéaste (durant quelques scènes, on pense autant à E.T. qu'à Jurassic Park), Le BGG incarne un envoutant voyage au pays imaginaire et fantastique, esthétiquement remarquable malgré quelques CGI pas toujours réussi, mais suffisamment poétique et burlesque (concours de pets avec la reine Elizabeth en prime) pour émerveiller son auditoire.


Bien plus attiré par son monde fantastique que le monde réel britannique (la thématique du rêve est ici de nouveau présente), solide dans son propos (le film peut aisément se voir comme une ode à la différence et à la tolérance) et dans sa mise en scène (les prises de vues réels sont éblouissantes, les changements d’échelles de focale sont d'une maitrise indécente), même si délibérément tourné vers les plus petits - et encore plus dans son humour -, bourré jusqu'à la gueule de beaux moments de cinéma sans pour autant être touché par la grâce magique des plus beaux contes du bonhomme (même le score de John Williams est en pilote automatique); Le Bon Gros Géant n'est pas le masterpiece riche en émotion attendu, mais clairement une œuvre pétri de bons sentiments concocté par un cinéaste au savoir-faire toujours aussi probant.


On lui préférera E.T. c'est une évidence mais tout de même, Spielby sans trop forcer (il est gentiment installé dans sa zone de confort et cela se voit), vient déjà de mettre K.O. toute la concurrence dans un été ciné 2016 ou nos petites têtes blondes - mais pas que - n'auront finalement pas tant de choses à se mettre sous la dent...


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/07/critique-le-bgg-le-bon-gros-geant.html

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le 27 juil. 2016

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