Le Bossu de Notre-Dame
6.6
Le Bossu de Notre-Dame

Long-métrage d'animation de Gary Trousdale et Kirk Wise (1996)

Après quelques années passées depuis le dernier visionnage et suite à une furieuse envie de le revoir, j’ai donc regardé à nouveau l’adaptation du Bossu de Notre Dame par les studios aux grandes oreilles. Que dire à part que j’ai apprécié cette relecture sans avoir été totalement conquise par elle ?


Pourquoi ? me direz-vous. Parce que, vous répondrais-je.


Déjà, graphiquement, c’est beau et moche à la fois. Les plans de Paris sont chouettes, l’ambiance dans la cathédrale est bien rendue, les catacombes et la Cour des Miracles s’en sortent bien également et les couleurs sont bien choisies (quoique très vives au vu du thème abordé par le film). Mais, à côté de ça, il y a des séquences d’animation par ordinateur pas très glamour (en regardant les cloches, on est très loin de la scène du bal de La Belle et la Bête ou de la débandade des gnous dans Le Roi Lion) et la chanson des gargouilles gagne l’Oscar des fonds les plus hideux de toute l’histoire du dessin animé (surtout le bleu qui est tout bonnement atroce (et c’est moi qui dit ça…)).


Ensuite, au niveau des chansons, il y a essentiellement du moyen. Le rythme est à peu près toujours le même et si les paroles ne sont pas inintéressantes (tout du moins, pas niaises au possible… tousse La Reine des neiges tousse), les chansons s’enchaînent avec si peu de temps mort qu’aucune ne se détache vraiment du lot (exceptée celle de Frollo, mais c’est parce que c’est lui). Je trouvais dans le film d’animation précité qu’il y avait beaucoup de chansons (trop), mais là aussi et hormis « Infernale » et « Rien qu’un jour », les autres sont peu mémorables.


Puis, on poursuit avec le scénario. Pour information, je n’ai pas lu le texte d’origine et ça ne me manque pas (j’ai un gros souci avec le style hyper-descriptif de Hugo). D’ailleurs, certains crient au scandale parce que ça ne respecte pas le matériau d’origine. Pour rappel, il s’agit tout de même d’un Disney, autrement dit : un film à destination des enfants. Pour avoir lu Le dernier jour d’un condamné du même hauteur, cela ne m’étonne pas que le roman ait été édulcoré et simplifié (y’a des limites aux traumatismes infantiles). Donc, je ne taperai pas sur les doigts des scénaristes pour ça. Non, par contre, je leur remonterai les bretelles pour n’avoir pas su définir avec précision plein de « détails » plus ou moins cruciaux.



  • 1) Les gens connaissent-ils ou pas, d’apparence, le carillonneur de
    Notre-Dame ?


De la façon dont Clopin introduit le personnage, on a l’impression qu’il est reclus près des cloches et que personne ne l’a jamais vu, mais il sait qu’il se nomme Quasimodo et qu’il est difforme. Au Festival des Fous, personne ne le reconnaît jusqu’à ce qu’Esméralda tente de lui retirer ce qu’elle pense être un masque. Et enfin, quand Esméralda est enfermée malgré elle à Notre-Dame et que Quasimodo descend à sa rencontre, l’un des paroissiens lui fait remarquer qu’il n’a pas le droit d’être là (donc il le connaît même s’il ne l’a probablement jamais vu, puisque j’imagine mal le timide Quasimodo aller là où il n’a pas le droit d’être lorsque des gens sont là… Vous suivez ? ).



  • 2) Esméralda est-elle nouvelle en ville ou pas ?


D’après l’attitude de Frollo, oui. Celle de Phoebus, peut-être (il a quitté Paris deux ans auparavant). D’après Esméralda elle-même, non. Il est évident qu’elle connaît le Festival des Fous puisqu’elle sait comment se déroule l’élection du roi (Djali sait d’ailleurs comment éjecter les perdants). Donc, elle était déjà présente à la dernière édition. Si on tient compte de la réaction de Phoebus lorsqu’il la rencontre, elle peut très bien être arrivée deux ans avant. Alors pourquoi Frollo ne semble s’enticher d’elle qu’à l’instant du film ? En effet, Esméralda a l’air de le connaître de réputation sans jamais l’avoir affronté (elle est surprise par sa réaction lorsqu’il lui renifle les cheveux. Si son amour s’était déclaré plus tôt, il aurait déjà eu ce genre de geste à son encontre). S’il l’aime depuis plus longtemps, pourquoi péter une durite aussi tard au point de faire cramer tout Paris et de défoncer la porte de Notre-Dame à coup de pied (je rappelle que le mec est pieu jusqu’à la racine des cheveux et pourtant, je ne suis pas sûre que ce genre d’action soit très bonne pour la sauvegarde de son âme) ?



  • 3) Quel est le statut réel des bohémiens ?


Pour Frollo et tous les gardes : des mendiants, des voleurs, des menteurs ; bref, de la vermine qui n’a rien à faire dans les rues de Paris. Pour tous les autres : des gens sympas qui amusent les foules et ne méritent pas le traitement qu’ils subissent de la part de la milice (puisqu’il y a des gens qui les cachent). On est tout de même au Moyen-âge, y’a pas grand-monde qui roule sur l’or et qui mange à sa faim (même à Paris). M’étonnerait qu’on vienne en aide et qu’on applaudisse des personnes qui volent votre pain et tirent votre bourse.



  • 4) Les gargouilles : réelles ou illusions ?


Le film se veut très réaliste et pourtant, on a ces trois éléments qui relèvent totalement de la magie ou de l’imaginaire. Trois éléments dont personne ne remarque les déplacements permanents (Frollo) ou la position incongrue sur la cathédrale (Esméralda). Un peu comme s’il n’y avait que Quasimodo qui les voyait… et Djali.



  • 5) Et enfin, ce film est-il pour les adultes ou pour les enfants ?


Comme dit au-dessus, je ne connais pas le texte original mais imagine sans souci qu’il puisse être particulièrement dur pour des enfants (déjà que lire du Hugo n’est pas à la portée du premier adulte venu, alors les mouflets…). Mais, tout au long de cette adaptation, j’ai l’impression que le texte de base ressort, et plus particulièrement dans le langage de Frollo ou le traitement infligé à Quasimodo tout au long de l’histoire. Le juge est d’ailleurs un personnage immonde qui est prêt à tuer des innocents juste pour l’exemple et en pensant dur comme fer être dans le vrai. Il parle tout de même d’ « impies », d’ « abomination », de « bacchanales » et de « race », qui ne sont pas des mots forcément très accessibles pour les enfants (à part peut-être le dernier) et qui sont assez lourds de sens. Ne parlons même pas de son sadisme notoire envers son précédent capitaine de la garde ou Quasimodo lui-même. Nous avons donc un méchant particulièrement sombre qui est même capable de transformer un beau sentiment comme l’amour en brutalité crasse. Nous sommes très loin du méchant festif (La petite sirène), drôle (Gaston, Jafar, Médusa, Edgard), classe (Scar) ou caricatural donc inoffensif (Crochet, Cruella). Et à côté de ce personnage, les autres apportent plus de souffrance que d’humour ce qui ne contrebalance pas cet effet pesant du méchant : Esméralda est poursuivie et mise au bûcher ; Phoebus est lardé de flèches, noyé, presque pendu et emprisonné ; Quasimodo est humilié à répétition, rabaissé, délaissé, enchaîné, etc. De fait, si le film peut-être plaisant pour des adultes, il doit l’être beaucoup moins pour des enfants qui n’ont que Djali, Achille, les gargouilles (et encore…) et les couleurs vives à se mettre sous la dent. C’est bien peu pour un film d’animation Disney.


Pour ce qui est des personnages, globalement, il y a Frollo et Quasimodo d’un côté, et tous les autres de l’autre.


Frollo est un méchant qui inspire à la fois le dégoût et l’attrait. Le dégoût parce qu’il est tout simplement abject avec tous ceux qui l’entourent. Il se croit supérieur parce qu’il représente l’autorité, qu’il est instruit et qu’il n’a pas de pensées impures (si on écarte sa passion pour Esméralda). Il n’a pas de compassion, pas d’état d’âme, pas de gestes tendres désintéressés et mouline tout sur son passage sans un froncement de sourcil. Ce qui renforce d’ailleurs l’aspect odieux du juge, c’est qu’il n’a pas de second idiot qui adoucirait le personnage (Jafar a Yago, Gaston a Le Fou, Scar a son trio de hyènes, etc.). Et l’attrait parce que, justement, il est différent des autres méchants et son côté torturé peut le rendre intéressant pour les adultes (m’est avis qu’il est particulièrement flippant pour les gamins, notamment avec la voix grave de Jean Piat).
Quasimodo, à l’inverse, est le personnage qui inspire la pitié du début à la fin du film. Avant même que l’on ne voit son visage, on sait qu’il va vivre un enfer : sa mère est tuée sur les marches de N-D et il manque de finir dans un puits avant d’être pris sous la houlette du pire personnage de l’œuvre. Personnage qui va d’ailleurs vaguement l’instruire afin de le maintenir dans son état de faiblesse mentale (puisque côté physique, il est clair qu’il aurait pu plier en deux Frollo depuis longtemps). Quasimodo replonge par ailleurs tellement souvent dans son état d’hébétude et d’apitoiement qu’il en devient pénible et qu’on en vient à avoir une furieuse envie de lui botter le fondement.
Esméralda, j’ai un souci avec son apparence. Je dis oui à la peau tannée, à la robe de gitane décolletée, à la chevelure brune, à son côté princesse guerrière, à sa douce voix française et à sa gentillesse, mais non à ses yeux. J’imagine que le studio a voulu créer un personnage au regard envoûtant parce qu’inhabituel. Ils ont fini par pondre une fille aux yeux improbables qui, personnellement, me paraissent très moches. Ils ont une couleur unie vert printemps, pas de pupille, pas de lumière ; une véritable régression quand on compare avec les différents regards des précédents films.
Et puis Phoebus ne sert pas à grand-chose, il faut bien le dire. Il court après Esméralda en étant balloté à droite et à gauche, et sa seule véritable action – son refus d’obtempérer – n’aboutit sur rien puisque la maison du meunier et son moulin brûlent quand même. Il est juste là pour faire le prince charmant et alourdir un peu plus le poids qui pèse sur les épaules du héros.
Quant à Clopin, il ne sert que de narrateur ou de monsieur Loyal pour le Festival des Fous.

Au final, je ne sais pas vraiment ce qu’il manque au film, mais il est évident qu’il y a quelque chose qui cloche (hoho) au point que la mayonnaise ne prend jamais vraiment. En le regardant, je n’ai pas vécu ces grands moments d’émotion bouleversants où frissons et pleurs viennent naturellement. Même le passage de la demande de droit d'asile par Quasimodo m’a laissée relativement froide. La scène est belle mais le traitement du héros est si paresseux et Esméralda, un personnage tellement creux (sans compter qu’on peut voir le truc venir à des kilomètres le dos tourné), que rien n’en ressort. C’est dommage. Y’avait matière à faire un beau film pourtant.

NicodemusLily
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le 9 janv. 2016

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